La commission d’enquête de l’Assemblée nationale a entendu à tour de rôle, jeudi 16 mars, les deux anciens présidents de la République, Nicolas Sarkozy et François Hollande, sur la perte d’indépendance et de souveraineté de la France en matière énergétique. Présidé par le député Raphaël Schellenberger, ce groupe de travail les a questionnés sur les orientations de la politique énergétique définie au cours de leur quinquennat. François Hollande, qui a clôturé les auditions de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France, a commencé par rappeler que « c’est au moment où les besoins en électricité ont été exprimés avec le plus d’intensité, compte tenu de ce qui se produisait en Ukraine, que notre production du nucléaire a été la plus faible de ces trente dernières années ».
Une baisse due à la découverte de corrosions et de fissures
L’ancien président a alors expliqué que la chute de la production d’électricité par le nucléaire durant les deux dernières années n’est pas due à un défaut d’investissement, ni à un doute sur la pertinence du nucléaire lié à des décisions politiques ou des accords électoraux, ou encore à une faute de recrutement d’ingénieurs et de techniciens par EDF ou par la fermeture de Fessenheim, mais par « la découverte d’un phénomène de corrosions sous contraintes et de fissures ». Celles-ci ont entrainé l’indisponibilité d’une partie du parc nucléaire. Cet incident industriel est, selon lui, venu s’ajouter « aux lourds programmes de maintenance qui avaient été lancés, et prévus de longue date », mais aussi, plus récemment, à des problèmes « de fatigue thermique », qui oblige EDF à présenter dans les meilleurs délais un programme de révision de toutes les centrales à l’Autorité de sûreté nucléaire.
La production d’électricité nucléaire, une « filière essentielle »
La baisse de production d’électricité nucléaire, qui est une filière « essentielle pour notre pays », n’est donc « d’une aucune manière la conséquence d’une décision politique ou d’un arrangement électoral datant de plus de 10 ans », a insisté François Hollande. « Elle résulte d’une addition d’incidents dans un contexte où une vigilance est exigée et où une autorité de sûreté veille pour prodiguer des avis et obliger à des arrêts ». Pour décliner sa responsabilité dans les problématiques actuelles, il a assuré défendre la filière du nucléaire. « C’est ce que j’ai fait durant tout mon mandat, j’ai défendu le nucléaire tout en travaillant pour qu’il puisse être complété par une montée des énergies renouvelables ». Il a alors reconnu vouloir à l’époque créer un mix énergétique à 50 % à l’horizon 2025.
« Le nucléaire et les énergies renouvelables sont complémentaires »
Revenant sur le début de son mandat, François Hollande a indiqué que la centrale de Fessenheim devait être fermée, puisqu’elle arrivait au terme de sa vie et « dès lors que la nouvelle centrale de Flamanville » verrait le jour. Il a rappelé au passage qu’en 2012, « la dernière décision de construction d’une centrale nucléaire en France datait de 2005 » sous la présidence de Jacques Chirac. « Aucune décision de lancement n’a été prise sous le mandat de Nicolas Sarkozy », a-t-il précisé. Et d’ajouter : « la fermeture de Fessenheim avait déjà été évoquée par mon prédécesseur », rappelant que cette dernière n’a pas été fermée pendant son quinquennat.
Par la suite, l’ancien président a évoqué la loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015. « Si l’objectif de 50 % de nucléaire dans le mix énergétique à l’horizon de 2025 est rappelé, il n’a pas de force obligatoire », a-t-il précisé. « Je suis également convaincu que le nucléaire et les énergies renouvelables sont complémentaires et que nous avons trop souffert d’un débat vicié, entre les partisans du tout nucléaire et ceux du tout renouvelable. Nous avons besoin des deux, du nucléaire et du renouvelable », a affirmé François Hollande.
Pour répondre à Nicolas Sarkozy, qui l’a accusé d’avoir déclaré que « le nucléaire est un modèle dépassé », François Hollande a rectifié le tir en indiquant : « c’est le tout nucléaire qui est un modèle dépassé. Nous comprenions bien que nous avions besoin du nucléaire et que nous aurons toujours besoin du nucléaire et pour très longtemps, mais nous avions besoin aussi de développer une industrie renouvelable, puisque c’est un enjeu majeur ». Pour conclure, l’ancien président a regretté que « le renouvelable n’aille « pas assez vite ».
L’audition est à retrouver ici
À lire aussi I Commission d’enquête : devant les députés, Nicolas Sarkozy se veut fervent défenseur du nucléaire