Alors que plusieurs villes ont récemment reporté la mise en place des Zones à faibles émissions (ZFE), le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a voulu "préciser les règles applicables" et "tordre le coup à des rumeurs" et des "fake news", qui décrivent les ZFE comme des "zones à forte exclusion". Ainsi, dans le sillage du Gouvernement, qui cherche à désamorcer la "bombe sociale" de ces dernières, le ministre a dernièrement essayé de rassurer les Français. Mais son discours a été jugé "contre-productif" par des élus et des associations écologistes.
La loi, qui crée les ZFE, remonte à 2019, mais le débat concernant leur mise en place a pris un tournant explosif au début de l’année 2023. En pleine crise du pouvoir d’achats, ces zones sont en effet devenues un symbole de l’exclusion des automobilistes les plus modestes, les véhicules moins polluants, hybrides et électriques, restant encore rares et chers sur le marché de l'occasion. Les ZFE doivent ainsi limiter progressivement l'accès aux villes des véhicules les plus âgés, notamment diesel, pour préserver la qualité de l'air.
"Agir sur le nombre de morts liées à la pollution"
Plusieurs villes ont d’ores-et-déjà décidé de reporter la mise en place des ZFE. Du côté des LR, une demande a été faite pour les aménager, alors que le RN veut les supprimer. Pour apaiser les tensions, Christophe Béchu a décidé de prendre la parole pour rassurer, et a ainsi fait savoir qu’une grande majorité des métropoles n'aura pas besoin de rendre les ZFE plus sévères.
Le ministre a également ajouté que, contrairement à l’affirmation du sénateur LR Philippe Tabarot, ces mesures ne concernent pas 13 millions d’automobilistes, mais "bien moins". Avant d’insister : "Le but de ces ZFE, ce n'est pas d'ennuyer les Français" ou de "fabriquer des « gilets jaunes »", "c'est d'agir sur le nombre de morts liées à la pollution atmosphérique".
Des "zones de vigilance"
Sur les 42 agglomérations qui devaient créer une ZFE en France d'ici à 2025, seules 11 l'ont mise en place. A ce sujet, Chirstophe Béchu a cependant annoncé que les villes où la qualité de l'air est meilleure seraient désormais catégorisées en "zone de vigilance".
Il s'agit de 37 agglomérations, parmi lesquelles Nice, Bordeaux, Nantes, Rennes ou Dijon, qui doivent tout de même créer une ZFE. Mais elles n'auront à interdire que les voitures immatriculéesavant 1997, soit 326 000 véhicules en tout et pour tout.
Au contraire les villes de Paris, Lyon, Aix-Marseille, Rouen et Strasbourg sont classées comme "territoires ZFE". Elles dépassent encore de manière régulière les seuils réglementaires de qualité de l'air. Ces cinq métropoles doivent ainsi continuer à appliquer progressivement les restrictions fixées par la loi. Ainsi, après les Crit'Air 5 en 2023, l’interdiction des Crit'Air 4 sera effective au 1er janvier 2024 (voitures diesel de plus de 18 ans), puis les Crit'Air 3 en 2025 (voitures diesel de plus de 14 ans et voitures essence de plus de 19 ans). Ces règles empêcheront ainsi près de deux millions de véhicules de rouler dans ces villes.
"Nous perdons du temps, encore et encore"
Pour donner suite aux déclarations de Christophe Béchu, le directeur de l’association RespireTony Renucci a a, dénonçant : "un mauvais signal". "Le ministre donne l'impression de minorer l'urgence sanitaire. Il transmet un message contre-productif aux collectivités, qui vont abandonner leur calendrier, et aux citoyens, qui vont relâcher leurs efforts".
"Les critères de pollution de l'air, fixés au niveau européen, risquent de se durcir, et les ZFE devront suivre [...] Dans trois-quatre ans, peut-être après l'élection présidentielle, il va falloir reprendre des mesures.
- Tony Renucci
Selon l'adjoint à la mairie de Paris David Belliard, "en reportant la ZFE, on ne fait pas un cadeau aux personnes pauvres". "Au contraire, on continue à les rendre malades de ces polluants qu'elles ne cessent de respirer", a-t-il souligné sur Twitter. De son côté, le député communiste Fabien Roussel a déclaré : "Nous perdons du temps, encore et encore !".
Des propositions des élus, associations et parlementaires
Toutefois, le Gouvernement doit présenter en semble des évolutions pour rendre les ZFE plus "acceptables" pour tous, a précisé Chistophe Béchu. Les parlementaires, élus locaux et associations ont multiplié les propositions au cours des derniers mois : doublement et simplification des aides à l'achat, dérogations pour les "petits rouleurs", évolution de la vignette Crit'air pour prendre en compte le niveau de pollution réel des véhicules, multiplication des véhicules légers et, globalement, un renforcement des alternatives de mobilité comme les bus et RER métropolitains, le vélo ou le covoiturage.
En septembre, l'idée sera d'abord de "limiter le reste à charge" pour les ménages qui veulent changer de voiture en travaillant notamment sur le montant des aides à l'achat, et leur fléchage sur les voitures d'occasion, a détaillé le ministre de la Transition écologique.
La mise en place des contrôles automatiques est prévue pour la fin 2024. Le Gouvernement planche, par ailleurs, depuis des mois sur une promesse de campagne d'Emmanuel Macron qui peine à se concrétiser : une voiture électrique à 100 euros par mois pour les ménages modestes.