Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), institution associée à la Cour des comptes, a publié, en février dernier, un rapport intitulé “La taxe sur la valeur ajoutée (TVA), un impôt à recentrer sur son objectif de rendement pour les finances publiques”. Dedans, il indique que le cadre de la TVA ne permet pas d’articuler efficacement la taxation en fonction de l'impact nutritionnel d'un aliment. Pourtant, certaines taxes, visant spécifiquement à améliorer la qualité nutritive des aliments et boissons consommés, constituent un levier pertinent de fiscalité comportementale.
Dans sa note, approuvée en séance le 13 juillet dernier, le CPO dresse un panorama de la fiscalité applicable aux boissons et aliments (hors TVA), examine spécifiquement celle sur les boissons sucrées et édulcorées, et formule ses recommandations.
Une fiscalité alimentaire peu cohérente en matière de santé publique
A côté de la TVA s'est construite une fiscalité alimentaire spécifique, portant uniquement sur les boissons. Les impôts sur les boissons alcoolisées, assujetties à des accises, ont généré 4,3 milliards d’euros de recettes en 2022. Les boissons non-alcoolisées, soumises à la contribution sur les boissons sucrées, à la contribution sur les boissons édulcorées et à la contribution sur les boissons non alcoolisées, ont, quant à elles, rapporté 0,5 milliard d’euros en 2022.
En France, la fiscalité nutritionnelle se limite aux contributions sur les boissons sucrées et sur les boissons édulcorées datant de 2012, et affectées à l'assurance maladie. Le barème de la contribution sur les boissons sucrées a été refondu en 2018 pour le rendre progressif en fonction du taux de sucres contenu dans la boisson. Pourtant, la taxe française demeure moins ambitieuse que le barème britannique entre 50 et 130 g/L. La contribution sur les boissons édulcorées n'a pas été réformée et représente un montant forfaitaire minime (3,17 €/hectolitre).
Taxer les boissons à base de sucre ajoutés pour améliorer l’alimentation
La fiscalité sur les boissons à base de sucresajoutés mènera à une augmentation des prix des boissons ciblées et à une diminution des ventes, notamment chez les personnes en situation de surpoids et d'obésité. En réduisant davantage leur consommation de produits peu sains, les plus modestes verront la qualité de leur alimentation s'améliorer davantage, avec des effets positifs sur leur état de santé.
A l’inverse, une taxe nutritionnelle insuffisamment ou mal ciblée aura des effets limités, voire inverses, en raison des substitutions de produits parfois difficilement prévisibles opérées par les consommateurs.
Le ministère de la Santé évalue actuellement l'impact de la réforme de 2018 et des conclusions sont attendues à l'automne 2023.
Une fiscalité nutritionnelle plus efficace
Selon le CPO, la fiscalité nutritionnelle doit être ajustée pour réduire la consommation des produits les plus gras ou sucrés et utilisée en complément d'autres politiques publiques. L’objectif étant de ne pas faire reposer la contrainte uniquement sur le consommateur, par exemple en jouant sur la réglementation du contenu des aliments et en renforçant l'information sur la nocivité des produits les plus néfastes et sur les substituts possibles.
À court terme, le CPO recommande de rendre plusefficace la fiscalité nutritionnelle existante en tenant compte des résultats de l'évaluation en cours, par exemple en augmentant les barèmes des contributions sur les boissons sucrées et édulcorées. À moyen terme, il préconise d'étudier l'extension du champ de la fiscalité nutritionnelle au-delà des boissons, en ciblant les produits sucrés ou contenant des additifs nocifs pour la santé.
En revanche, le CPO estime qu’il est encore trop tôt pour instituer une taxe globale sur la qualité nutritionnelle des produits à partir du Nutri-Score car cela nécessiterait de le généraliser et de mettre en place une infrastructure d'administration et de contrôle.
Enfin, la note relève que la taxe doit être calibrée en fonction de son rendement à court terme et des économies de dépenses publiques, en l'occurrence de santé, qui peuvent résulter de l'évolution des comportements. Dès lors, une offre de substitution, sous la forme de produits plus sains abordables pour les familles les plus modestes, est nécessaire pour faciliter l'acceptabilité sociale dans le contexte inflationniste actuel.
Qu’est-ce que le CPO ?
Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) est une institution associée à la Cour des comptes et présidée par le Premier président de cette dernière.
Il est “chargé d'apprécier l'évolution et l'impact économique, social et budgétaire de l'ensemble des prélèvements obligatoires, ainsi que de formuler des recommandations sur toute question relative aux prélèvements obligatoires ”.
Le collège du CPO comporte seize membres, huit magistrats et hauts fonctionnaires et huit personnalités qualifiées choisies, à raison de leur expérience professionnelle, par les Présidents de l'Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental, ainsi que par les ministres chargés de l'Économie et des Finances, des Affaires sociales et de l'Intérieur.