Une conférence des intellectuels français en soutien à l’Arménie et au Haut-Karabagh s’est récemment déroulée au Sénat, à l’initiative des Amis de l’Artsakh et de l’Arménie, par Bruno Retailleau, sénateur LR de la Vendée, Gilbert-Luc Devinaz, sénateur PS du Rhône, et Anne-Laurence Petel, députée RE du Pays d’Aix.
Cette rencontre a réuni Bernard Kouchner, ancien ministre des Affaires étrangères, François Pupponi, ancien président du Cercle de l’amitié France-Artsakh, Erik Orsenna, académicien, Pascal Bruckner, philosophe, Olivier Weber, grand reporter, mais aussi les écrivains Sylvain Tesson, Blanche de Richemont, Emmanuel Ruben et Marina Debeyan, et Hovhannès Guevorkian, représentant du Haut-Karabagh en France.
Au cours de cette matinée, ils se sont succédé pour apporter leur soutien au peuple arménien dans le conflit avec l’Azerbaïdjan et ont appelé la France et l’Europe à intervenir dans le Haut-Karabagh avant « l’épuration ethnique et religieuse » de ce peuple.
120 000 personnes bloquées et privées de ressources
Le Haut-Karabagh est un territoire montagneux enclavé en Azerbaïdjan, mais peuplé à 95 % d’Arméniens. Après un cessez-le-feu en 2020, des combats ont repris entre Azéris et Arméniens en septembre dernier, alors que les soldats russes avaient été dépêchés pour enrayer la reconquête de cette zone. L’Arménie accuse, depuis, la Russie de ne pas remplir son rôle. « L’Azerbaïdjan a envahi une partie de l’Arménie, il ne s’est pas contenté de menacer le Haut-Karabagh. Depuis le 12 décembre, le Corridor de Latchine est bloqué par des soi-disant manifestants écologiques, qui sont manipulés par le pouvoir de l’Azerbaïdjan », a indiqué Gilbert-Luc Devinaz.
En effet, cette route unique, qui relie le Haut-Karabagh à l’Arménie, et du même coup au reste du monde, est inaccessible depuis plus 100 jours. A l’heure actuelle, 120 000 personnes, dont 30 000 enfants et 20 000 personnes âgées, sont ainsi coincées dans cette région. « Plus personne ne passe, ni médicaments, ni médecins, ni nourriture… Il faut franchir ce mur, dans un but immédiat humanitaire, mais qui est infiniment politique. Passer, ce serait les délivrer », a expliqué Bernard Kouchner, réclamant la création d’un convoi européen.
« La situation est extrêmement grave »
« Nous devons nous mobiliser. La France n’est pas le dernier pays à le faire. En effet, le président de la République a accompli un certain nombre de gestes, mais c’est encore beaucoup trop peu », a indiqué Bruno Retailleau, faisant référence à la prise de parole d’Emmanuel Macron en octobre dernier pour apporter son soutien à l’Arménie, mettant alors en cause la Russie, qui aurait « joué de l’Azerbaïdjan avec une complicité turque ». Le président des LR au Sénat souhaite « faire à la fois tomber ce mur qui entoure la souffrance de ce peuple arménien », mais aussi celui de « l’indifférence générale ».
Les intellectuels ont, chacun leur tour, fait part de leurs inquiétudes grandissantes pour l’Arménie. « La guerre en Ukraine ne doit pas nous cacher la vérité de la volonté de ce despote turc de nous écraser et de reconstituer son empire. La situation est extrêmement grave », a ainsi indiqué Pascal Bruckner. « Ce qui se passe au Haut-Karabagh, c’est ce qu’on appelle en droit international humanitaire un déplacement forcé de population. Un nettoyage ethnique, et je pèse mes mots, est en cours », a ajouté Olivier Weber.
Intellectuels et élus invitent Emmanuel Macron à se rendre en Arménie
Patrick Bruckner a ensuite invité Emmanuel Macron à « prendre 24 à 48h de son temps », pour « se rendre à Erevan », en Arménie et « s’occuper de ce dossier brûlant ». Gilbert-Luc Devinaz espère, quant à lui, que « l’ensemble de l’Europe intervienne » dans cette zone. Bruno Retailleau a par ailleurs rappelé que le Sénat avait adopté à l’unanimité, moins une abstention, en octobre dernier, une proposition de résolution visant « à appliquer des sanctions à l’encontre de l’Azerbaïdjan et exiger son retrait immédiat du territoire arménien, à faire respecter le cessez-le-feu du 9 novembre 2020 ».
De son côté, Olivier Weber a indiqué : « Il faut aider l’Arménie avant qu’il ne soit trop tard. Nous demandons aujourd’hui que la France et les plus hautes autorités de l’État protègent ce pays. Et qu’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU soit mise en place afin de mettre fin au blocus du Haut-Karabagh. Nous demandons également aux organisations de l’ONU de prendre des mesures en faveur de la signature d’un traité de paix durable ».
Et Hovhannès Guevorkian de conclure : « Ensemble, nous ferons triompher, non seulement les droits des Artsakh, les habitants du Haut-Karabagh, mais aussi plus généralement les principes universels des droits de l’Homme ».