Le président de la République Emmanuel Macron a rendu un hommage national à Gisèle Halimi, militante emblématique de nombreux combats de la seconde moitié du XXe siècle, notamment pour les droits des femmes. Cet hommage a été rendu par le chef de l’Etat et en présence de membres de la famille et de proches, ainsi que de représentants du Gouvernement.
Avant lui, son fils aîné, Jean-Yves Halimi, a également rendu un vibrant hommage à sa mère, saluant son « entrée dans l'histoire ». « Tu rejoins au Panthéon de notre récit national les deux Simone, de Beauvoir et Veil, tes sœurs de lutte et tes amies personnelles », a-t-il dit.
Mais l'initiative, organisée à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, ne faisait pas l'unanimité. L'un des fils de l'avocate, le journaliste Serge Halimi, a boycotté l'hommage, déplorant qu'il intervienne en pleine mobilisation contre une réforme des retraites « extrêmement injuste », que sa mère aurait selon lui combattue.
Décédée le 28 juillet 2020 à 93 ans, Gisèle Halimi s'est illustrée après la guerre d'Algérie dans le combat pour le droit à l'IVG. En 1972, lors d'un procès retentissant à Bobigny (Seine-Saint-Denis), elle avait notamment obtenu la relaxe d'une mineure poursuivie pour avortement après avoir été victime d'un viol, ouvrant la voie à la dépénalisation de l'interruption volontaire de grossesse. Élue députée en 1981, elle avait poursuivi ce combat à l'Assemblée nationale, cette fois pour le remboursement de l'IVG, finalement voté en 1982.
Emmanuel Macron a annoncé la présentation « dans les prochains mois » d’« un projet de loi » pour inscrire l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution. « Les avancées issues des débats parlementaires, à l’initiative de l’Assemblée nationale puis éclairées par le Sénat, permettront, je le souhaite, d’inscrire dans notre texte fondamental cette liberté, dans le cadre du projet de loi portant révision de notre Constitution qui sera préparé dans les prochains mois », a déclaré le président de la République.
« Dignité, conscience, indépendance, humanité »
Dans la salle d’audience de la Première chambre de la Cour d’appel du Palais de Justice de Paris, Emmanuel Macron a entamé son discours par ces mots : « Dans cette salle du Palais de Justice, chaque année, les jeunes avocats prêtent un serment qui scelle leur entrée dans la carrière. Et dans cette même salle, comme dans des dizaines d'autres partout en France, ce sont les mots d’un pacte, nouée autour de l'éthique d’une profession qui résonne : Dignité, conscience, indépendance, humanité. Ces mots furent choisis par Gisèle Halimi, et ce sont, Mesdames et Messieurs les avocats, aussi les vôtres, ce sont ceux de la République ».
Après ces vibrants mots d’introduction, Emmanuel Macron a retracé le parcours de Gisèle Halimi. « Elle n’est pas devenue avocate, elle est née avocate. Pour elle, ce n’était pas une profession, pas même une vocation. Sans doute, un peu plus qu’un idéal. C’était avant tout son tempérament, celui qu’elle exprimait dès son plus jeune âge. Oui, dès son enfance, dans une famille pauvre et sépharade de Tunisie, Gisèle Halimi était telle qu’elle apparaît aujourd’hui, à l’heure de lui rendre hommage, d’une fièvre indocile et d’une colère brûlante ».
« Elle a porté la cause de l'indépendance algérienne »
Le président de la République n’a pas omis d'évoquer les combats coloniaux qu’a menés l'avocate tout au long de sa vie. « Maître Halimi décida d’user de sa liberté conquise pour recouvrer celle des autres. Elle qui avait vu de ses yeux d’enfant le poids de la colonisation, plaida pour la cause tunisienne. Elle alla jusqu’à l’Elysée chercher la grâce présidentielle afin de sauver un homme promis à l'exécution. Elle y revient souvent solliciter d’autres gestes de clémence. Elle a aussi porté la cause de l'indépendance algérienne. Elle fut la procureure de ce que les autorités françaises de l'époque faisaient, de la manière dont elles le faisaient. Si aujourd'hui la guerre d'Algérie a quitté les prétoires, elle doit maintenant prendre toute sa place dans notre mémoire ici, en France, et aussi en Algérie », a poursuivi le chef de l'Etat sans se prononcer sur une éventuelle entrée au Panthéon de la militante.
Celle-ci a été préconisée par l'historien Benjamin Stora comme l’une des pistes susceptibles de sceller la réconciliation des mémoires entre la France et l'Algérie et à l'intérieur de la société française. Mais elle est vue d'un très mauvais œil à droite et à l'extrême-droite de l'échiquier politique. Au lendemain de l’hommage d’Emmanuel Macron, Marine Le Pen s’est dite « fondamentalement opposée » à l'entrée au Panthéon de l'avocate. L'étude du dossier est toujours « en cours », a toutefois assuré l'Elysée face aux inquiétudes de voir l'hommage national enterrer le projet de panthéonisation de Gisèle Halimi.