AccueilActualitéRégion Île-de-France & Grand ParisFacturation électronique : Une mise en place "longue et compliquée"

Facturation électronique : Une mise en place "longue et compliquée"

Associé au sein du cabinet Saint-Honoré Partenaires, Emmanuel Klinger évoque l’évolution des métiers d’expert-comptable et de commissaire aux comptes.
Emmanuel Klinger fait le point sur les métiers d’expert-comptable et de commissaire aux comptes.
© DR - Emmanuel Klinger fait le point sur les métiers d’expert-comptable et de commissaire aux comptes.

ActualitéRégion Île-de-France & Grand Paris Publié le , Propos recueillis par Maxime Monniotte

Expert-comptable et commissaire aux comptes, Emmanuel Klinger présente Saint-Honoré Partenaires, un cabinet d’audit, d’expertise comptable et de conseil en finance d’entreprise, dans lequel il est associé. Il parle de l’évolution de ces métiers, notamment avec l’arrivée de la facturation électronique pour les experts-comptables, et l’entrée en vigueur de la Corporate sustainability reporting directive (CSRD), directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité des entreprises pour les commissaires aux comptes.

Affiches Parisiennes : Pouvez-vous nous présenter le cabinet Saint-Honoré Partenaires ?

Emmanuel Klinger : Je suis associé depuis plus de 15 ans au cabinet Saint-Honoré Partenaires, qui existe déjà depuis de nombreuses années. Nous sommes installés à Paris et avons deux sites, l’historique dans le VIIIe arrondissement et un dans le XIe, qui est plutôt dédié à l’activité d’expertise comptable pour les TPE / PME. Nous sommes 80 personnes et travaillons dans tous les métiers réglementés, aussi bien en expertise comptable qu'en commissariat aux comptes. Nous avons également des activités d'accompagnement de direction financière, généralement pour les parties opérationnelles, production de comptes, supervision, mais aussi contrôle interne, réglementation, ou encore Sapin II.

Vous travaillez dans ce domaine depuis plus de vingt ans. Comment évolue le métier d’expert-comptable ?

L'évolution du métier d'expert-comptable est très forte depuis de nombreuses années. La grande différence aujourd’hui, c'est la numérisation, et l'informatisation du travail, qui fait que nous sommes passés d'un monde où nous échangions encore beaucoup de papiers à un monde où les flux d'information prédominent. Il y a déjà eu une première accélération lors du confinement, obligeant un certain nombre de clients à se dématérialiser.Au sein du cabinet Saint-Honoré Partenaires, nous étions déjà prêts, puisque depuis de nombreuses années, nous sommes équipés d’outils dans le cloud. Du coup, lors du confinement, tout le monde a pu travailler depuis chez lui avec un ordinateur portable.

La prochaine étape qui va fortement accélérer l’évolution du métier est la facturation électronique, puisque à l'aube de quelques années, nous nous retrouverons, pour toutes les entreprises soumises à TVA, avec des flux purement dématérialisés et passant obligatoirement par des Plateformes de dématérialisation partenaires (PDP) et le Portail public de facturation (PPF).

Concrètement, qu’est-ce que la facturation électrique changera ?

Les obligations de réception et d’émission de factures électroniques s’échelonnent en plusieurs étapes entre 2024 et 2026. La première étape, qui est la plus importante, est fixée au 1er juillet 2024. À cette date, toutes les entreprises soumises à TVA devront pouvoir recevoir des factures, qu'on appelle factures électroniques. Ces factures électroniques seront émises par ceux qui ont l'obligation d'émettre ces factures, ce sont les plus grandes entreprises, c’est-à-dire celles qui ont plus de 5 000 salariés, un chiffre d’affaires de plus de 1 500 millions d’euros, ou encore un bilan supérieur à 2 000 millions d’euros.

Six mois après, au 1ᵉʳ janvier 2025, les Entreprises de taille intermédiaire (ETI) seront, à leur tour, obligées d'émettre les factures sous ce format-là. Enfin, au 1ᵉʳ janvier 2026, toutes les entreprises soumises à la TVA devront émettre des factures électroniques ou des informations qui corroborent ce chiffre d'affaires lorsqu'il n'y a pas d’émission de factures.


Qu’est-ce que cela engendrera ?

Il va y avoir une période de mise en place de nouveaux systèmes d'information, et de nouveaux flux d'information, qui sera longue et compliquée. Cette adaptation sera d'autant plus difficile pour des clients qui n'ont pas l'habitude d'être informatisés ou relativement peu, mais aussi pour ceux qui ont des organisations internes complexes et qui ne s'y préparent pas suffisamment.

L'objectif que nous avons pour nos clients, c'est les sensibiliser aux problèmes, de leur indiquer quel est le timing qui va se mettre en place pour qu’ils puissent se préparer, aussi bien en termes d'outils qu'en termes d'organisation interne. Ce sont les deux points qu'ils vont devoir gérer.

La facture électronique, c’est une facture au format PDF accompagnée d'un petit fichier électronique particulier qui pourra être lu par les outils informatiques dédiés. Pour être considérée comme valable, elle doit comporter des données claires, structurées et conformes aux normes EDI (échanges de données informatisées). Trois formats sont reconnus pour la facturation électronique : Factur-X, UBL et CII.

A quoi correspondent les processus d’e-invoicing et d’e-reporting ?

Le processus d’e-invoicing (schéma en Y) est la facture électronique envoyée par le fournisseur à son PDP, qui le transmet au PDP du client, qui le transmet au système d’information du client. Simultanément, le PDP envoie les informations au PPF pour que l’Etat puisse prendre connaissance des flux de TVA. Le processus d’e-reporting consiste à transmettre des informations complémentaires comme, par exemple, les dates de paiement pour les entreprises qui facturent selon la TVA sur les encaissements, pour les entreprises qui n’émettent pas de facture, comme par exemple les restaurants.

© DR, Le schéma en Y sera le mode de transmission obligatoire de la facturation électronique, en passant par une PDP ou la PPF.

Pourquoi la facturation électronique est-elle mise en place ?

La facturation électronique va permettre à l’État de connaître les flux en matière de TVA et anticiper les montants de TVA à reverser. À terme, l’État devrait être en capacité de remplir la déclaration de TVA à la place des contribuables. Ce dispositif permettra de lutter contre la fraude fiscale et devrait aider au respect des délais de paiement.

Les entreprises doivent saisir cette opportunité pour fiabiliser leurs flux d’organisation et améliorer le processus de facturation et de réception puis de traitement des factures reçues. Il conviendra de se doter d’outils informatiques conformes et efficaces.

Le non-respect des normes engendrera des amendes par facture non transmise au format électronique qui pourront atteindre 15 000 euros par année civile. Au-delà des sanctions financières, il y a des risques opérationnels, puisque l’entreprise aura une impossibilité de recevoir et de payer les factures des fournisseurs, mais aussi de facturer ses clients et donc d’être payée.

Au niveau du recrutement, le métier rencontre-t-il des difficultés ?

Notre profession connait des difficultés de recrutement depuis de nombreuses années avec une accentuation depuis la Covid-19. Nos métiers sont très techniques et nécessitent une forte expérience pour être un interlocuteur reconnu par nos clients. Cette longue durée n’est pas en phase avec certaines attentes des jeunes diplômés.

La facturation électronique contribuera, à terme, à régler ce problème puisqu'un certain nombre de missions de tenue comptable, pour les clients les plus petits, va plus ou moins disparaître avec ce système. Par ailleurs, les formations des nouvelles recrues devra s’adapter à ces nouveaux besoins.

Que mettez-vous en place pour y remédier ?

Nous, au sein du cabinet Saint-Honoré Partenaires, nous avons une politique RH qui a plusieurs axes. Évidemment, il y a la rémunération où nous sommes plutôt bien placés. Nous avons des avantages, par ailleurs, comme des équivalents de jours de RTT, dont des demi-journées au cours de l’été.

Le télétravail permet également un meilleur équilibre de la vie personnelle et professionnelle. Les jours de télétravail sont fonction des missions et peuvent représenter des jours consécutifs à un weekend, par exemple.

Par ailleurs, nous avons une politique de plus en plus importante d'accueil d'alternants. Politique qui nous permet, d'une part, de répondre à des attentes d'étudiants de plus en plus nombreux à vouloir faire de l'alternance et, d’autre part, de créer un vivier pour faire des propositions d'embauche lorsque nous avons des besoins et lorsque nous avons identifié des candidats qui répondent à nos attentes, en termes de valeur et de qualité de travail.

Nous disposons également d’outils de lien avec nos clients et avec les partenaires afin de gagner du temps dans la collecte d’informations : variables de paie, transmission des bulletins de paie, collecte des relevés bancaires, des factures …

La grande transformation pour les commissaires aux comptes date de plusieurs années. En effet, la loi Pacte a fait augmenter les seuils de recours aux commissaires aux comptes, ce qui entraîne la disparition de nombreux mandants de TPE et PME. Notre cabinet a été relativement peu impacté du fait d’une clientèle composée de nombreux groupes de sociétés. Les confrères qui travaillaient principalement pour les TPE / PME ont vu leur activité sinistrée. Par ailleurs, les obligations normatives se sont multipliées, rendant nos missions plus contraignantes d’un point de vue législatif.

- À propos de son activité de commissaire aux comptes et de cette profession en général

Des difficultés de recrutement existent également chez les commissaires aux comptes ?

Nous sommes confrontés à des problèmes de recrutement encore plus important qu’en expertise comptable. Nous voyons clairement une désaffection de cette profession de la part des étudiants.

Toutefois, nous utilisons des outils, comme Power BI, VizNow, ou d’autres, qui nous permettent d'investiguer de manière beaucoup plus systématique la comptabilité de nos clients pour pouvoir orienter nos missions et les rendre plus efficientes.

Comment les commissaires aux comptes se préparent-ils à l’entrée en vigueur de la directive CSRD ?

Le commissaire aux comptes est de plus en plus sollicité pour donner de l’assurance sur des informations extra-financières. La directive CSRD qui remplace le reporting ESG (critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) en fait partie. Elle concerne les sociétés cotées et de grandes entreprises non cotées.

Elle est encadrée par les ESRS (European Sustainability Reporting Standards), développés par l’EFRAG selon deux critères. D’une part, les domaines de reporting, qui répondent à quatre questions : comment la gouvernance prend en compte les enjeux de durabilité ? Comment les enjeux de durabilité sont intégrés à la stratégie et au modèle d’affaires ? Comment les impacts, risques et opportunités de durabilité sont identifiés et gérés dans l’ensemble de la chaîne de valeur ? Et comment sont mesurés la performance (KPI) et les objectifs liés aux plans d’action et ressources mis en œuvre ? D’autre part, la CSRD couvre l’intégralité des critères ESG, qui sont les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance.

Les obligations de cette directive vont s’étaler entre 2025, sur les comptes 2024, et 2028.

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