Affiches Parisiennes : Pouvez-vous vous présenter ? Ainsi que G7 ?
Yann Ricordel : Je suis directeur général délégué de G7, la centrale de réservation de taxis du groupe Rousselet. Le groupe compte plusieurs entités dédiées aux taxis. La société G7 Taxi Services, le garage historique du Groupe, possède des licences de taxi (près de 800 au total) et loue les véhicules équipés aux chauffeurs. De son côté, la filiale Taxirama propose, par exemple, des services aux chauffeurs de taxi : vente de véhicules, transfert de licences et installation de matériel embarqué. Et enfin il y a G7, dont le cœur de métier consiste à mettre en relation des chauffeurs indépendants avec des passagers qui souhaitent se déplacer en taxi.
Concrètement, quelle est la mission de G7 ?
Nous avons la double mission d’améliorer la mobilité pour tous et en même temps de faciliter le quotidien des chauffeurs de taxi. Contrairement à nos concurrents VTC, nos chauffeurs affiliés reversent une redevance mensuelle fixe à G7, qui représente moins de 5 % du chiffre d’affaires que nous leur apportons : les chauffeurs conservent donc l’intégralité du montant que paient les clients transportés sur la base du tarif du compteur. Nous proposons également des services additionnels pour les clients fréquents, tels que les salariés de certaines entreprises, qui souscrivent un abonnement auprès de G7. Nous comptons plus de 10 000 entreprises abonnées, ce qui fait de nous le leader du segment affaires dans le secteur.
En chiffres, G7 c’est quoi ?
Nous enregistrons environ 15 millions de commandes de courses par an, ce qui représente 25 millions de passagers transportés par an. G7 est très présent en région parisienne, avec près de 10 000 chauffeurs de taxis affiliés et un peu plus de 4 000 chauffeurs dans les différentes métropoles françaises. Plus de 65 % des commandes sont réalisées par l’application mobile. G7 dispose également de plusieurs centres de relation clients en France, avec plus de 150 téléconseillers pour aider les chauffeurs ou répondre aux besoins spécifiques des clients. La part des commandes passées par téléphone représente environ 20 % du total et a fortement baissé ces dernières années au profit de l’application mobile.
Concernant la transition écologique et énergétique, que propose G7 ?
Une de nos missions est d'accompagner les chauffeurs dans la transition écologique et énergétique. Dès 2007, nous avons lancé la première flotte de véhicules à faible émission baptisée G7 Green, bien avant qu’apparaisse la perspective des Zones à faibles émissions. L'objectif fixé à l'époque était de réduire de 25 % le taux d'émissions de CO2 et nous y sommes parvenus. A l’époque, c'était vraiment le début de l'hybridation des véhicules : nous avons aidé les chauffeurs à investir, nous les avons soutenus et signé des partenariats d’approvisionnement stratégiques avec des constructeurs pour accélérer la transition. Ainsi, nous avons été les premiers acteurs de la mobilité à atteindre 50 % de véhicules hybrides dans la flotte en 2021.
Il y a deux ans, nous avons annoncé l'objectif d'atteindre 100 % de véhicules G7 Green en 2027. Nous sommes en bonne voie, puisque nous sommes passés de 50 % à 70 % de véhicules hybrides en deux ans. Pour G7, il s’agit de la première phase de sa transition écologique.
- À propos de la relance de la transition énergétique.
Vous parlez de véhicules hybrides, mais où en êtes-vous pour l’électrique ?
En parallèle, nous travaillons à la phase d'après, c'est-à-dire l’intégration dans la flotte G7 de véhicules à zéro émission.Sur ce plan, la tâche est un peu plus complexe. Pour réussir notre transition vers l’électrique, l'enjeu est de travailler avec les constructeurs, les fournisseurs de bornes de recharge et les Pouvoirs publics, pour faire en sorte que le coût d'acquisition d’un véhicule électrique soit acceptable et rentre dans le modèle économique des chauffeurs. Les conditions de recharge des véhicules électriques ne doivent pas non plus créer de contraintes insurmontables.
Quelles sont vos actions sur ces deux enjeux de l’électrique ?
Nous avons travaillé avec les constructeurs automobiles pour tester les nouveaux véhicules électriques en condition d’exploitation des taxis. Des premières Nissan Leaf à la Tesla, nous avons testé la plupart des modèles. Désormais nous avons acquis la conviction que nous commençons à rentrer dans la phase de maturité des voitures électriques. Le différentiel de prix à l’achat est toujours défavorable aux voitures électriques, mais sur le plan du confort à bord et de l'autonomie, nous avons désormais des véhicules qui répondent aux cahiers des charges d'un chauffeur de taxi. Et le surcoût est partiellement compensé par des aides ciblées pour les chauffeurs de taxis. Aujourd’hui, les chauffeurs sont satisfaits des modèles qui sont proposés par les constructeurs.
Et pour les bornes de recharge ?
Le deuxième enjeu concerne le réseau de recharge électrique, à commencer par l'installation de bornes de recharge à domicile. Pour un chauffeur professionnel qui utilise sa voiture en continu, idéalement, il faudrait qu'il recharge au maximum à son domicile car le coût de l’électricité y est moins élevé. Pour aider nos chauffeurs, nous avons signé un partenariat avec la société Zephyre, qui les accompagne pour l’installation de bornes de recharge pour les particuliers, y compris en copropriété. Malgré cela, certains chauffeurs n’ont pas de parking privé et stationnent leur véhicule sur la chaussée. Nous souhaitons donc que les Pouvoirs publics installent des bornes de recharge rapides sur les stations de taxi destinées uniquement aux chauffeurs de taxi, comme cela existe déjà dans plusieurs pays européens.
Vous avez aussi conclu un partenariat avec Electra ?
G7 a en effet noué un partenariat avec la scale-up Electra, champion français de la recharge ultra-rapide, qui est en train de créer l’un des plus importants réseaux de bornes de recharge, avec une puissance comprise entre 150 kWh et 300 kWh pour recharger sa batterie en quinze minutes en moyenne. Avoir un accès privilégié à ces bornes représente une vraie charge mentale en moins pour les chauffeurs G7, qui disposent d’un tarif négocié, de facilités de paiement et de la possibilité de réserver à certains créneaux horaires de recharge. Electra dispose actuellement d’une vingtaine de stations en Ile-de-France et en vise 90 d'ici la fin d'année en région parisienne.
Enfin, nous aidons nos chauffeurs sur le plan de l’approvisionnement de leur véhicule, en négociant avec les constructeurs automobiles les meilleures conditions financières pour acquérir un véhicule électrique, mais aussi en incitant nos clients à commander des véhicules à faible émission.
Vous visez 100 % de véhicules hybrides pour 2027, mais quel est l’objectif pour l’électrification de la flotte G7 ?
Sur le volet de l'électrique, nous n’avons pas encore déterminé d’objectif précis parce qu'il fallait que toutes les conditions soient réunies. Elles le deviennent progressivement du côté de l’approvisionnement des véhicules, même si les prix ne sont pas encore complètement démocratisés. Des signes encourageants à l’heure où G7 noue de nouveaux partenariats pour faciliter l’accès aux stations de recharge comme avec Electra.
Les conditions pour passer à l’électrique se mettant en place, nous observons, depuis quelques mois, une accélération du taux de pénétration des véhicules zéro émission dans notre flotte. Nous attendions ce signal pour pouvoir ensuite déterminer nos objectifs et se fixer un horizon. Début juillet 2023, la flotte G7 Green comptait plus de 250 véhicules électriques.
La moitié des modèles sont des Tesla. L’autre moitié se divise entre Mercedes, Skoda et Toyota, mais aussi dans une moindre mesure des véhicules BMW, Ford, Hyundai, Nissan.
Comment convaincre les chauffeurs de passer à l’électrique ? Notamment pour les grandes courses ?
Nous relayons les témoignages des chauffeurs G7 pionniers du véhicule électrique auprès de l’ensemble de notre communauté de chauffeurs, pour convaincre ceux qui attendent de voir les résultats concrets de l’électrique. De nombreux chauffeurs ont l’envie d’acquérir un véhicule électrique pour bénéficier du confort de sa conduite, du silence du moteur et de la promesse d’économie. Nous en avons fait la simulation encore récemment : le Total Cost of Ownership, le TCO, qui permet d’évaluer le coût d’exploitation du véhicule est plus économique en véhicule électrique, malgré le coût d’acquisition plus élevé, sur une période d’exploitation de 4 à 5 ans.
Quelle est votre position sur les véhicules hydrogènes ? Le biocarburant ?
G7 souhaite tester tout type de solution. En effet, il nous faut être le plus agnostique possible sur les carburants, pourvu qu’ils soient de plus en plus verts. Nous connaissons les défauts de l’’hydrogène gris. Je pense donc qu’il faut effectivement accompagner le changement et la transition énergétique en testant de nouveaux carburants. Nous voulons faciliter l’exploitation des chauffeurs de taxi pourvu que les véhicules de demain soient moins émissifs et moins polluants. L’hydrogène peut donc être une solution à terme, mais elle est moins avancée que l’électrique, sur les bornes et sur les prix des véhicules.
Qu’est-ce que vont changer les zones à faibles émissions (ZFE) ? Accélérer le renouvellement de la flotte ?
Personne ne connaît précisément le calendrier de mise en place des ZFE du Grand Paris, au-delà de l’interdiction des Crit’Air 3 en 2025. La flotte G7 est concernée par les Crit’Air 2, Crit’Air 1 et Crit’Air 0. Nous souhaitons donc avoir de la part des Pouvoirs publics une meilleure visibilité sur ce calendrier mais attirons également l’attention sur certaines catégories de véhicules d'intérêt public et pour lesquels l’exploitation de véhicules Crit’Air 1 ou Crit’Air 0 n’est pas encore envisageable. C’est le cas, en particulier, des véhicules adaptés au transport des personnes à mobilité réduite qui doivent être équipés de rampe d'accès. Avec sa flotte G7 Access lancée en 2004, G7 s’est fortement engagé pour faciliter les déplacements des personnes à mobilité réduite, un sujet qui nous tient vraiment à cœur. Nous avons beaucoup investi ces dernières années sur ce volet, et allons davantage le faire encore d’ici 2024. Nous demandons aux Pouvoirs publics des dérogations pour certaines de ces catégories de véhicules.
Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 seront une période de pic d’activité pour les taxis ? N’y a-t-il pas un risque de manquer de chauffeurs ?
G7 s’organise pour être prêt pour 2024 et répondre au mieux à la forte demande attendue des touristes étrangers et français, qui viendront en masse à Paris. Nous sensibilisons les Pouvoirs publics sur la nécessité de faciliter les déplacements des taxis d'un site olympique à l'autre, des zones d'hébergement au site des Jeux, avec des voies qui seront réservées à certains véhicules, dont les taxis, et la possibilité de dépose au plus près de l’événement.
Si toutes ces conditions sont réunies pour que les trajets puissent se dérouler sereinement et avec fluidité, nous pourrons, nous aussi, rassurer nos chauffeurs et obtenir plus facilement leur engagement d'être présents et de se mobiliser fortement pour cet événement planétaire. Les chauffeurs ont envie de bien faire, de représenter dignement Paris et en même temps, ils craignent que la circulation soit tellement dense pendant cette période que finalement, ils ne puissent pas travailler correctement. G7 est donc fortement engagé avec les Pouvoirs publics sur ce sujet qui avance dans le bon sens.
Qu’est-ce que la concurrence avec les VTC a changé pour les taxis ?
La concurrence aux taxis est arrivée en premier lieu parce que l'usage des smartphones s'est démocratisé partout dans le monde. Nous avons tous un mini-ordinateur dans les poches avec l'accès à Internet en mobilité, ce qui n'existait pas il y a quinze ans. En 2008, nous avons lancé la première application G7 sur BlackBerry.
Ensuite, la concurrence est arrivée avec de nouveaux entrants qui n'avaient pas l'intention de respecter les règles établies. L’émergence de cette concurrence a créé beaucoup de tensions et la nécessité de mieux réglementer le secteur, avec l’entrée en vigueur de deux lois. Les chauffeurs de taxis avec G7 ont su s’adapter, se remettre en question, faire leur révolution culturelle et améliorer la qualité et le service.
Le secteur du taxi est une profession réglementée où les tarifs sont fixés par l’Etat. Il était donc hors de question de rentrer dans une guerre des prix avec nos concurrents. Le salut pour G7, c'était d'augmenter la qualité de service et d'améliorer l'expérience client. C’est un travail d'équipe entre G7 et l’ensemble de la communauté des chauffeurs affiliés. Il a fallu convaincre, stimuler, motiver les chauffeurs pour intégrer la nécessité de rehausser le niveau de service offert à nos clients
Nous avons également travaillé sur l'expérience digitale autant que sur l'expérience à bord, l'accueil du chauffeur et l’uniformisation de la flotte, les véhicules Green, une nouvelle identité pour mieux identifier les véhicules. Toutes ces initiatives ont permis à G7 et plus largement aux taxis de mieux répondre aux attentes du client dans un contexte concurrentiel.
Quels sont les enjeux d’avenir pour G7 ?
Notre enjeu consiste désormais à accompagner l’évolution des villes avec une baisse de la voiture individuelle entrainant une hausse de la demande de taxis. Nous demandons aux Pouvoirs publics d'intégrer cette croissance dans leur vision de la mobilité de demain pour créer de manière raisonnable, raisonnée et progressive des licences de taxis. Trois cents d’entre elles ont été créées l'année dernière à Paris, trois cents cette année, et deux cents sont prévues pour l'année prochaine. Des licences spécifiques aux artisans taxis vont également être créées cet été et seront conditionnées à une exploitation pour des courses aux personnes à mobilité réduite. Nous venons de franchir la barre des 19 000 taxis parisiens alors qu’il y en avait 18 000 il y a deux ou trois ans. Nous devrions atteindre les 20 000 dans les deux ou trois prochaines années. Le secteur du taxi fonctionne sur un modèle de numéro clausus, qui n'est pas fermé mais qui évolue progressivement.
Comment toucher une clientèle plus jeune ?
Nos études confirment que notre portefeuille de clients rajeunit progressivement. Les réflexes de certaines générations qui ont commencé à sortir le soir en utilisant les services de nos concurrents évoluent également car ils plébiscitent la meilleure qualité de service apportée par G7. La clientèle jeune représente un segment de la population qui compare beaucoup les offres, tant en termes de disponibilité que de prix.
Généralement, les clients plus jeunes ont plusieurs applis dans leurs téléphones, dont celle de G7. Pour nous, l'essentiel consiste à ce que nos chauffeurs soient présents aux tranches horaires de la demande de cette clientèle, qui est plutôt du soir et du week-end. Nous communiquons donc à nos chauffeurs les heures et endroits où ils doivent être présents pour répondre à la demande de cette clientèle plus jeune alors que nos concurrents vont, de leur côté, pratiquer des tarifs beaucoup plus chers, pendant que les nôtres restent fixes.