Démarche pionnière ou contrainte supplémentaire ? Déjà en charge de la cotation financière des entreprises, la Banque de France peaufine son "indicateur climat", une évaluation de leurs efforts de transition écologique. Cette dernière est accueillie prudemment par le patronat.
Un test sur 500 entreprises en 2023
Ce nouveau système de notation des entreprises, basé sur trois critères, est encore loin de conditionner l'accès au crédit des sociétés. Mais si l'expérimentation actuelle se transforme en cotation climatique pérenne, "ça sera un dispositif extrêmement innovant en Europe. Il n'y a pas d'équivalent aujourd'hui", a récemment assuré le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau.
Expérimenté auprès de "quelques dizaines" d'entreprises en 2022, "on souhaite pouvoir le tester sur environ 500 entreprises cette année", a expliqué à l'AFP Hervé Gonsard, le directeur général des services à l'économie et du réseau.
Cependant, il faut faire attention à ne pas "laver plus vert que vert", en imposant aux entreprises françaises des obligations dont seraient exemptées leurs concurrentes européennes, a averti Alexandre Montay, délégué général du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Meti).
Pour l'heure, participent à l'expérimentation de "très grossesentreprises du CAC 40 et certaines sociétés très polluantes", a détaillé Hervé Gonsard, toutefois sans dévoiler de noms.
L’indicateur climat évalue la trajectoire de décarbonation
D'ici 2030, la Banque de France espère généraliser son indicateur climat aux 300 000 entreprises françaises réalisant plus de 750 000 euros de chiffre d'affaires, soit celles auxquelles elle attribue déjà une cotation financière.
Là où la note financière mesure la capacité de l'entreprise à honorer ses engagements financiers à court terme, l'indicateur climat évalue d'abord le positionnement de l'entreprise par rapport à la "trajectoire idéale" de décarbonation de son secteur d'activité, une courbe de référence dessinée par l'agence française de la transition écologique (Ademe).
La Banque de France mesure aussi l'exposition de l'entreprise aux risques physiques, tels les incendies, ou encore les inondations, et son degré de maturité dans la gestion de sa transition climatique et énergétique.
Une "foultitude d’indicateur liés à la transformation environnementale"
Patron du cabinet Calix Conseil, Guillaume de Bodard a estimé que "la cause est juste", mais alerte sur la "complexité" potentielle de l'indicateur climat. Selon celui qui préside aussi la Commission environnement et développement durable de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), "peu d'entreprises sont au courant de ce qui va leur tomber dessus".
"Les TPE/PME n'ont pas une personne en interne pour gérer ça, leur expert-comptable n'est pas tout de suite compétent en matière extra financière et environnementale", a précisé Guillaume de Bodard, demandant donc aux autorités des "outils de calcul rapides" des données climatiques.
Entre la directive européenne Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), le futur standard français d'excellence environnementale "triple E" et l'indicateur climat, Alexandre Montay a fait part de son inquiétude de la "foultitude d'indicateurs liés à la transformation environnementale". Ainsi, le représentant du Meti a rappelé : "Il y a un véritable enjeu de cohérence"entre ces indicateurs"pour ne pas conduire les entreprises à ne faire que du reporting".
L’indicateur climat "simplifie la vie des entreprises"
Hervé Gonsard a donné des précisions pour déminer l’indicateur climat. "Le but n'est pas de rajouter une couche administrative", a-t-il assuré. "Jusqu'à présent, les questionnaires Banque de France, BpiFrance, BNP Paris, ou encore Société générale "pouvaient s'empiler", or "si on unifie le reporting en centralisant les données climatiques dans une base unique à la Banque de France, comme pour la cotation financière, on simplifie la vie des entreprises", a déclaré Hervé Gonsard.
De son côté, la Fédération bancaire française (FBF), associée à la conception de l’indicateur de la banque centrale, a estimé qu’"un score Climat, appuyé sur des chiffres robustes communiqués par les entreprises et élaboré par la Banque de France sera utile pour compléter les analyses menées par les banques elles-mêmes".
"Demain, il est clair qu'un indicateur climat de bonne qualité sera plutôt de nature à aider au financement des entreprises qui jouent le jeu du verdissement", a prévenu Hervé Gonsard.