Selon le dernier rapport Legisway, édité par Wolters Kluwer et réalisé en partenariat avec l'Association européenne des technologies juridiques ELTA (European Legal Tech Association) qui fait un état des lieux de la transformation digitale des directions juridiques européennes, le sujet est adressé de façon encore trop superficielle.
Si les services juridiques ont bien pris le départ de la course et empruntent la bonne route, il semblerait qu’ils peinent un peu à prendre le virage, monter le col et atteindre l’arrivée.
Transformation digitale bridée au stade précoce
Ce rapport s'appuie sur les résultats d'une vaste enquête menée entre mai et août 2023 auprès de plus de 520 membres d'équipes juridiques internes à travers l’Europe, dont plus d’une centaine en France.
“Les professionnels du droit reconnaissent la nécessité d’adopter des technologies juridiques ainsi que les avantages qui en découlent. Pourtant, les résultats de notre enquête indiquent que les services juridiquesse situent encore à unstade relativement précoce de leur transformation digitale”, commente Sergio Liscia, vice-président & general manager of Legal software Wolters Kluwer Legal & Regulatory.
L’enquête aborde divers aspects de la digitalisation tels que les investissements dans les outils innovants, les stratégies digitales, l'allocation des budgets, l’intelligence artificielle (IA), la gestion de contrat ou encore la fonction de Legal Ops et les principaux défis liés à l'adoption de technologies juridiques. Et sans surprise, c’est toujours lorsqu’on évoque la question financière que le bât blesse.
“Le principal défi auquel sont confrontés les professionnels du droit est de garantir le budget nécessaire pour l’acquisition de technologies juridiques, et ce, selon 57 % des répondants ”, confirme l’expert Sergio Liscia.
Les Français à la traîne
L’enquête révèleque les directions juridiques françaises sont particulièrement à la traîne. Ainsi,32 % des professionnels interrogés en France admettent ne pas avoir élaboré de stratégie digitale claire, et 23 % d’entre eux expliquent qu’elle est en cours d’élaboration. Si l’on cumule ces données, cela porte à 55 % le nombre de services juridiques qui n’ont pas ou travaillent encore sur leur stratégie digitale. En revanche, en Europe, ces chiffres sont moins mauvais car ils sont respectivement de 27 % et 17 %, pour un total cumulé de 44 %.
Or, l’élaboration d’une stratégie, véritable “road map”, est le point de départ de toute transformation digitale.
En outre, 63 % des départements juridiques français interrogés considèrent l’adhésion des parties prenantes et des utilisateurs comme un défi majeur lorsqu’il s’agit d’introduire de nouvelles technologies juridiques, alors que ce chiffre ne s’élève qu’à 49 % en Europe. Il semble donc plus difficile aux équipes françaises d’intégrer la dynamique et d’insuffler un nouveau souffle pour atteindre le sommet de cette transformation digitale.
Besoin de soutien hiérarchique et de budget
On retient surtout de cette cartographie que les répondants se heurtent à des difficultés d’ordre non seulement financier mais également managérial.
“Dans le secteur juridique, nous savons à quel point il est essentiel de disposer de données centralisées. Il y a encore beaucoup à faire dans notre quête de la parfaite maîtrise des données, et nous pensons que cela justifie les chiffres que nous voyons dans l'enquête. Il y a une prise de conscience des besoins et nous constatons une augmentation du déploiement de solutions, mais toutes les améliorations restantes à faire montrent que nous avons encore un long chemin à parcourir”, commente Alan Ragueneau, directeur général europe de Dentons Nextlaw In-House Solutions et ambassadeur ELTA pour la Suisse.
En effet, il apparaît que les services juridiques ont besoin d’un réel soutien de la part de la direction pour accélérer leur digitalisation, tant via l’allocation de budgets plus conséquents que part l’instauration d’une conduite du changement en synergie au sein des équipes.
“Afin d’accélérer leur progression sur la courbe de maturité digitale, les services juridiques auront besoin de soutien pour élaborer des stratégies digitales à long terme et démontrer le retour sur investissement et les avantages des nouvelles technologies, afin d’obtenir l’allocation des budgets nécessaires et l’adhésion des parties prenantes internes”, en conclut Sergio Liscia, vice president & general manager of Legal software Wolters Kluwer Legal & Regulatory, en épilogue du rapport.