La traditionnelle assemblée générale (AG) de la CRCC de Paris, qui s’est tenue lors des dernières Universités d’été de la profession comptable, a réuni Vincent Reynier, son président, Yannick Ollivier, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC), Rémi Decout-Paolini, directeur des Affaires civiles et du Sceau et Florence Peybernès, présidente du Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C).
Les intervenants ont abordé différents sujets d’actualité, comme l’obligation de formation de la profession et les changements attendus avec la transposition de la directive CSRD sur le reporting de durabilité des sociétés.
“La formation, la qualité et la régularité de votre formation sont la raison d'être de votre statut. Et le maintien du statut du commissaire aux comptes, c'est un combat de tous les jours ”, a d’emblée affirmé Rémi Decout-Paolini.
La CNCC engagée pour faciliter la formation de la profession
Sur la formation, Yannick Ollivier a tout d’abord salué le travail réalisé par les compagnies régionales depuis des années, à travers notamment de nombreuses conférences, qui permettent aux professionnels de pouvoir répondre à leurs obligations en la matière.
Il a rappelé que la CNCC a, pour sa part, développé le e-learning, permettant d’avoir accès gratuitement à des ateliers de formation, réformé le système de plafonnement d’heures de formation et demandé la création d'un compte emploi formation. “Ce sont des dispositifs que l'on est en train de pousser pour lever le problème du temps que ça représente, du coût que ça représente et du respect de l'obligation”, a souligné le président de la CNCC.
Ce dernier espère que l'ensemble des processus qui découleront de tout ce travail permette d’atteindre plus de 80 % de respect des obligations, contre à peine 50 % aujourd’hui. “Preuve que la profession se forme et se mobilise”, se félicite-t-il.
Avec la CSRD, “beaucoup de choses vont changer”
Abordant alors la CSRD, Rémi Decout-Paolini a estimé que la profession se trouve à un tournant, à l’approche de la transposition en droit français de la directive. “ Un certain nombre d'entre vous aurait été très surpris, quand ils sont entrés dans la profession, si on leur avait dit que les sujets de RSE allaient constituer un enjeu très important de leur exercice professionnel”.
“Beaucoup de choses vont changer”, a donc annoncé le directeur des Affaires civiles et du Sceau, à l’instar de la transformation, en fin d’année, du H3C en haute autorité de l'audit (H2A).
S’agissant du calendrier, la France sera le premier pays à transposer la directive CRSD, “l’un des grands succès de la présidence française de l'Union européenne”. Actuellement, le ministère de la Justice examine et tire les conclusions des consultations menées cet été au sujet de la directive, pour les soumettre à l'arbitrage du garde des Sceaux. Certains points sont encore en discussion, notamment le volume d’heures de formation, la question du co-commissariat aux comptes (co-CAC) en matière de durabilité, le recours à l'expertise etc.
“Compte tenu de la grande qualité des échanges, du climat de confiance qui s'est instauré depuis plusieurs mois avec la profession, le H3C, le ministère de la Justice et Bercy, nous aboutirons à quelque chose de consensuel et de co-construit“, s’est réjoui le directeur des Affaires civiles et du Sceau.
Le co-CAC, une spécificité française à défendre
Avec la transposition de la directive, le co-CAC, c’est-à-dire l’interventiond’au moins deux commissaires aux comptes pour certifier les comptes des entités contraintes de publier de comptes consolidés, ne serait pas obligatoire en matière de durabilité, ce qui inquiète les membres de la compagnie régionale de Paris. “Le co-commissariat aux comptes est une spécificité française, une particularité à laquelle on tient, en termes de qualité de l'audit, d'ouverture de la profession, en termes de déconcentration des audits. Nous espérons même en faire un produit d'exportation européenne”, a voulu rassurer Rémi Decout-Paolini, assurant que la Chancellerie défend l’idée d’un co-CAC en matière de durabilité. La question qui se pose est le moment adéquat pour l’imposer.
Retarder le caractère obligatoire du co-CAC
À ce titre, parce que le texte ne prévoit actuellement qu'une mission d'assurance limitée vis-à-vis des chefs d’entreprise et des tiers, le collège du H3C estime préférable d'envisager le caractère obligatoire de la co-assurance une fois que la France passera à une assurance raisonnable ou positive. D’ailleurs, en vertu de la directive, la législation interne peut prévoir le recours, facultatif donc, à la co-assurance pour les entreprises qui le souhaitent.
De son côté, Yannick Ollivier craint que les co-CAC désignés ne puissent être habilités à temps et donc accepter la mission d’assurance de durabilité, si la co-assurance devient obligatoire très rapidement.
“Je souhaite qu'un maximum de professionnels accèdent à ce marché et que le co-commissariat permette une diversité des types d'exercices professionnels dans les missions de durabilité. D’où la fausse bonne de vouloir la rentre tout de suite obligatoire”, a-t-il indiqué le président de la CNCC.
La Compagnie nationale a d’ailleurs proposé que la première nomination des co-CAC intervienne sur la fin des mandats, pour que toute la profession, quelle que soit la taille des cabinets, soit préparée au sujet et le mette en place “de manière intelligente et efficace”. La mission d'assurance limitée offre d’ailleurs ce temps à la profession de se préparer à pouvoir répondre à la mission co-CAC.
Un avis technique en attendant la norme d’audit de la Commission européenne
Toutefois, en attendant la rédaction d’une norme d'audit européenne par la Commission européenne, prévue pour 2025, les CAC nommés au premier trimestre 2024 par les entreprises ne sauront pas quels travaux sont attendus d'eux pour pouvoir émettre une opinion d'assurance. “Vous n'aurez pas de lignes directrices, vous n'aurez que la directive et sa transposition. C'est un peu insuffisant, nous semble-t- il, avec la direction des Affaires civiles et Sceaux et celle du Trésor”, a relevé Florence Peybernès.
Le H3C préconise donc de proposer à la profession un avis technique lui permettant de mieux comprendre les travaux à mener au cours de l'année 2024, pour aboutir, en 2025, aux rapports d'assurance. “Il s’agit de 35 pages qui expliquent ce que l'on attend d'un commissaire aux comptes qui conduit une mission d'assurance de durabilité. C'est précis, c'est en cohérence avec les textes de la directive, c'est européen”, a-t-elle conclu.