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Universités d'été de la profession comptable 2023

La formation et les missions à valeur ajoutée pour les CAC

Président de la CRCC de Paris, Vincent Reynier revient sur l’actualité de la facture électronique, et plus globalement sur les grands enjeux, dont l’intelligence artificielle, l’attractivité de la profession et la formation.
La formation et les missions à valeur ajoutée pour les CAC
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ActualitéRégion Île-de-France & Grand Paris Publié le , Propos recueillis par Boris Stoykov

Vincent Reynier, président de la CRCC de Paris, présente le grand événement de la profession de cette rentrée, que sont les Universités d'été, organisées au Palais des Congrès, à Paris.

Affiches Parisiennes : Les UE 2023 sont le grand rendez-vous de rentrée pour les CAC et les experts-comptables, qu'est-ce qui change par rapport aux éditions précédentes ?

Vincent Reynier : De manière traditionnelle, cet événement est organisé par les trois institutions franciliennes : l’Ordre des experts-comptables, la Compagnie des commissaires aux comptes de Paris, et la Compagnie des commissaires aux comptes de Versailles et du Centre. Chaque année, nous constatons une forte croissance du nombre de participants. Environ 5 000 personnes se déplacent sur trois jours pour participer à des ateliers de formation, à des masterclass, à des conférences et aux assemblées organisées par la Compagnie de Paris et l’Ordre des experts-comptables, qui profitent de ces universités d'été pour tenir leurs assemblées générales annuelles.

Cette année, le thème de ces Universités d'été est la facture électronique. Lorsque nous avons programmé ces Universités d'été, les grandes entreprises étaient normalement soumises à l'obligation d’émission de factures électroniques à compter du 1ᵉʳ juillet 2024, les entreprises intermédiaires au 1ᵉʳ janvier 2025 et les plus petites entreprises au 1er janvier 2026. Si un décalage est déjà récemment annoncé par le Gouvernement pour le premier rendez-vous de juillet 2024, une question n'a pas été élucidée, celle du calendrier pour les plus petites ! En effet, il se pourrait que le calendrier initial ne soit pas obligatoirement décalé, ce qui confirme que le thème de la facture électronique reste, compte tenu de l'organisation que cela nécessite, un sujet d'actualité prégnant pour tous les experts-comptables et les commissaires aux comptes.

En ce qui concerne la CRCC de Paris, notre Assemblée Générale se tiendra le 6 septembre, à 14h. Cette année, nous avons l'honneur d'accueillir le directeur des Affaires civiles et du Sceau, Rémi Decout-Paolini, ainsi que Florence Peybernès, présidente du H3C, bientôt H2A, et de Yannick Ollivier, président de la CNCC. Notre thème de débat sera essentiellement axé sur la CSRD et le reporting non-financier, puisque nous serons presque au moment où les textes définitifs vont enfin être dévoilés (leur homologation intervenant avant la fin de l'année). Ces textes sont très importants pour les commissaires aux comptes, car ils fixent les règles de fonctionnement et de réglementation de leurs nouvelles activités. Ils vont notamment déterminer le nombre d'heures de formation qu’ils devront suivre au-delà de leurs 120 heures triennales classiques. Il faudra en effet prévoir une formation complémentaire pour la CSRD. Les commissaires aux comptes doivent bénéficier d'une clause dite de “grand-père”, puisque jusqu'en 2026, les nouveaux inscrits n'auront qu'une formation complémentaire à suivre.

Cependant, pour pouvoir accéder à la qualification d'API ou du moins être reconnus comme aptes à signer ou à certifier des éléments extra-financiers, il semblerait qu’ils devront quand même suivre une formation spécifique. Pour l'instant, cette formation a été fixée à 120 heures dans les premières négociations. Lors de cette Assemblée Générale, j’espère que nous aurons une indication sur le nombre exact d’heures et que nous pourrons apprécier si nous devons faire uniquement de la formation classique et spécifique ou si nous pourrons aussi, pour ceux qui ont déjà suivi des formations sur ces sujets, valider une partie en VAE.

Deux autres temps forts de ces Universités d’Été : la Conférence des Présidents, qui sera relativement originale cette année. Elle réunira Virginie Roitman, Philippe Vincent et moi-même, ainsi qu’un invité prestigieux qui interviendra en première partie. Et la Grande Conférence de clôture des Universités d'été, qui aura pour thème, cette année, le courage.

Je n’oublie pas un point important pour la CRCC de Paris, la conférence du Lab50, le laboratoire du futur de la CRCC de Paris (ndlr. Mémoires du futur), qui traitera du futur de notre profession et de ses nouvelles technologies. Avec un thème comme la facture électronique, il paraissait évident de parler d'intelligence artificielle, de Power BI et de tous les outils que nous développons dans nos métiers.

Cette année, a eu lieu un événement majeur pour la profession, l'inauguration de Sup'Expertise. Comment voyez-vous ces formations pour les commissaires aux comptes de la CRCC de Paris et, notamment, pour les jeunes ?

C’était un événement majeur, certes, car c'était la première fois que les trois institutions se réunissaient pour créer une école et en assurer la gestion. En effet, sa gouvernance est partagée entre l'Ordre des experts-comptables de Paris IDF, la CRCC de Versailles et du Centre, ainsi que la CRCC de Paris. C'est également la première fois que la CRCC de Paris et l'Ordre des experts-comptables font l'acquisition d'un campus appelé à être le centre névralgique pour la formation initiale et continue. Concernant la formation initiale, notre principal objectif était de mettre en place un centre d'apprentissage qui prépare au Diplôme de Comptabilité et de Gestion (DCG) et au Diplôme Supérieur de Comptabilité et de Gestion (DSCG), qui sont les voies royales pour accéder à l'expertise comptable et donc aussi au métier de commissaire aux comptes. Nous essayons aussi de renforcer ces formations avec des “briques supplémentaires” pour faire évoluer ce diplôme+ qui mériterait, de toute façon, d'être totalement repensé.

Avec Sup' Expertise, nous avons pour l’objectif d’approcher, à moyen terme, les 1 000 apprentis. Aujourd'hui, nous en sommes à un peu plus de 700. Nous souhaitons préparer nos étudiants au diplôme et au stage d'expertise comptable, qui est d'ailleurs commun avec le commissariat aux comptes, mais aussi à la vie en cabinet, avec toutes les technologies modernes qui vont être mises en place autour de la facture électronique et de l'intelligence artificielle.

En ce qui concerne la formation continue, dans cette école, nous formons les experts-comptables et les commissaires aux comptes. S’agissant de la formation des commissaires aux comptes, nous proposons des formations spécifiques destinées aux confrères qui entrent dans le cadre des formations CAC 120, c'est-à-dire les 120 heures que doivent effectuer les commissaires aux comptes sur trois ans.

Par ailleurs, Sup’ Expertise est agréée Qualiopi, ce qui signifie que toutes les formations dispensées par l’école donnent lieu à une attestation et sont donc prises en compte dans les formations obligatoires.

Un énorme chantier s'offre à nous, car nous allons devoir mettre en place des formations obligatoires autour de la CSRD pour permettre à un maximum de confrères d'accéder à ces nouvelles missions.

Sup’ Expertise est une grande richesse pour la CRCC de Paris, notamment pour les formations spécifiques que nous mettons en œuvre. Nous organisons régulièrement des journées de formation dans l'année, chapeautées par Sup’ Expertise. Pour la deuxième année, nous allons dispenser des formations de 20 heures sur une semaine. Cette année, ces “Rendez-vous de l’audit aux Antilles” aura lieu en Guadeloupe, à un prix très attractif. Cela nous permettra également d'offrir des formations de haut niveau à nos amis Guadeloupéens et Martiniquais.

L'année dernière, nous avions organisé ce séminaire de formation Saint-Martin et nous avons reçu une forte demande pour que ce soit reconduit. À travers ces formations, nous soutenons les jeunes diplômés, notamment en proposant des tarifs très attractifs pour les membres du CJEC. Souvent, la difficulté pour nos jeunes confrères et consœurs est qu'ils n'ont pas fait les formations nécessaires pour pouvoir accepter leur premier mandat. En leur fournissant immédiatement les heures de formation nécessaires, cela leur permet, dès qu'ils ont une opportunité, de pouvoir la saisir.

Qu’est-ce qui sera abordé lors de ce séminaire ?

Il s’agit de 20 heures de formation CAC 120 qui sont organisées du 9 au 17 novembre. Pendant cette formation, cinq thèmes de quatre heures sont abordés : l'actualité générale, l’actualité des associations et des fonds de dotations, la facture électronique et le commissaire aux comptes, l'audit des petites entreprises et les opérations d'apport fusion et avantages particuliers.

© AP / Quentin Clauzon, Vincent Reynier, président de la CRCC de Paris, aux universités d'été de la profession comptable 2022.

Le Gouvernement a annoncé le report du passage à la facturation électronique afin de laisser aux entreprises le temps de se préparer. Quel sera le rôle du commissaire aux comptes dans leur préparation ?

Tout d'abord, je pense que puisque la mise en place prévue pour le 1ᵉʳ juillet 2024 ne concernait que les très grandes entreprises, la plupart d'entre elles étaient déjà prêtes ! L’administration, pour l'instant, ne parle que d'un décalage pour ces grandes entreprises, ce qui semble indiquer que c'est plutôt l'administration elle-même qui n'est pas prête… Je ne sais pas si les différentes étapes seront décalées successivement, ou si la DGFIP conservera les mêmes dates clés pour les entreprises moyennes et les petites entreprises.

Est-ce que les petites entreprises qui devaient toutes appliquer la facture électronique le 1ᵉʳ janvier 2026 verront l'échéance reportée ? Pour l'instant, nous n'avons pas la réponse à cette question.

Le rôle du commissaire aux comptes est très important puisqu'il va porter sur plusieurs aspects. Quand on parle de factures, on parle de deux processus essentiels : le processus d'achat, (achat fournisseurs et éventuellement stock), et le processus de vente, c'est-à-dire le chiffre d'affaires et les comptes clients. Nous touchons à chaque fois à des points névralgiques de l'entreprise, car une entreprise qui ne peut pas facturer ses clients c’est une entreprise qui ne peut pas réaliser de chiffre d'affaires, ou alors dans de très mauvaises conditions. De même, une entreprise qui ne peut pas enregistrer correctement ses achats et faire face à ses échéances, perd de facto la confiance de ses fournisseurs et ne peut plus fonctionner.

Le premier rôle du commissaire aux comptes est donc de s'assurer de la fiabilité des procédures et des moyens mis en œuvre pour que les entreprises puissent, d'une part, gérer leurs achats et, d'autre part, leurs facturations. Cela signifie qu'obligatoirement, les procédures changent, et que les systèmes informatiques et d'information sont totalement évolutifs.

Le deuxième rôle du commissaire aux comptes, qui existait déjà mais qui va être prégnant, concerne la cybersécurité. Qui dit système d'information, dit fragilité, et on doit pouvoir s'assurer que les systèmes, tels qu'ils vont être mis en place, seront fiables, pérennes et ne pourront pas faire l'objet de destruction externe ou de fraudes, que toutes les procédures de sauvegarde seront bien mises en place et que l'entreprise ne verra pas son mode d'exploitation perturbé par des éléments extérieurs qu'elle n'aurait pas été capable de maîtriser.

Il s’agit donc d’un double enjeu pour nous : une revue totale des procédures et des moyens, et un renforcement de la démarche de nos clients en matière de cybersécurité. Une fois cela fait, nous devons évoluer aussi dans nos modes de travail, c'est-à-dire que nous ne travaillerons plus avec du papier mais avec des fichiers. Ainsi, des procédures qui étaient très lourdes, comme les circularisations (les confirmations de solde par les clients et les comptes fournisseurs) à travers la facture électronique, n'auront plus lieu d'être. En ayant vérifié tout le processus, ce travail fastidieux sera supprimé, puisque de facto les échanges interentreprises seront validés. Nous allons aussi changer notre approche en termes d'échantillonnage, en termes de sondage, puisqu'avant, on ne pouvait sonder qu'un certain nombre de pièces, alors que demain, grâce à l'intelligence artificielle et aux outils que l'on développe, nous allons pouvoir effectuer des contrôles quasi exhaustifs sur certains cycles.

L'intelligence artificielle va-t-elle contribuer à faire avancer les choses ? Comment peut-elle aider le commissaire aux comptes dans ses travaux ?

Au lieu d’intelligence artificielle, je préfère parler de “co-intelligence”, car je ne crois pas que l'intelligence humaine puisse être remplacée par la machine. Cependant, je crois que grâce à ces outils, nous allons pouvoir réfléchir différemment et de manière plus efficace. Certains parlent de révolution, mais je préfère parler de mutation, car ces changements se font rapidement mais de manière progressive et vont, à terme, totalement changer nos habitudes en faisant disparaître tous les travaux les moins passionnants et à faible valeur ajoutée que nous faisions auparavant. Tous ces travaux seront maintenant exécutés de manière beaucoup plus précise et exhaustive par les outils que nous souhaitons mettre en place. Cependant, pour que ces outils soient efficaces, il faut encore savoir les piloter. Je pense qu'en effet, l'intelligence de l'auditeur résidera dans sa capacité à les piloter afin de les optimiser dans le cadre du contrôle, et surtout, pour apporter de la valeur ajoutée en aidant les entreprises à repérer des manquements ou des anomalies qu'elles n'avaient pas détectées dans leurs propres organisations.

Le but n'est pas seulement de se concentrer sur la détection d'erreurs ou de fraudes, bien que cela fasse partie inhérente de notre métier, mais aussi d'apporter de la valeur ajoutée aux chefs d'entreprise en les alertant sur certains risques ou anomalies présents dans leurs propres systèmes.

Une des réformes de la loi PACTE a augmenté les seuils pour la nomination des commissaires aux comptes dans les entreprises. Quelques années après, quel est le résultat de cette réforme ? Vous êtes la plus grande CRCC de France, quels ont été les effets ressentis ?

Dans un premier temps, les commissaires aux comptes ont mieux résisté que ce que l'on pouvait craindre initialement. C'est le premier constat ! Néanmoins, il ne faut pas se leurrer sur certains indicateurs qui peuvent être trompeurs. La CRCC de Paris a maintenu son nombre de membres à un haut niveau. Nous regroupons environ 2 700 personnes physiques et à peu près 1 600 personnes morales. Nous avons maintenu un nombre de confrères très significatif, avec une érosion très faible. Grâce à la politique qui a toujours été menée pour les jeunes à Paris, et qui depuis un an maintenant est aussi menée par la Compagnie Nationale (CNCC), un nombre important de nouveaux entrants a été constaté. Pour la première fois depuis plusieurs années, nous constatons un rajeunissement de notre population, qui était, il faut le reconnaître assez vieillissante. Sur Paris, nous maintenons à peu près nos bases d'honoraires. Néanmoins, il convient de dépolluer cette base d'honoraires des mouvements entre les différentes CRCC, et des rachats et des acquisitions de cabinets. En nombre de mandats, globalement, il demeure une érosion générale significative au niveau du pays qui, pour moi, va s'accélérer. Ceci se confirme sur les chiffres que l'on constate déjà lors des assemblées de 2023 sur les comptes de 2022 au mois de juin, et risque de croître d'autant plus avec les difficultés économiques qui recommencent à poindre à partir de 2024. La loi Pacte reste, pour moi, même si on a su résister et su développer de nouvelles missions, un véritable sujet de préoccupation pour beaucoup de cabinets et je ne suis pas persuadé que dans une période économique instable, il ait été très judicieux d'avoir supprimé les indicateurs comme l'a fait le Gouvernement.

En Italie, après avoir pratiqué de la même manière que chez nous en augmentant énormément les seuils, ceux-ci viennent d'être abaissés de manière drastique puisqu'ils sont redescendus à 4 millions de chiffre d'affaires pour l'obligation d'un commissaire aux comptes ! Nos amis italiens ont rétabli le commissariat aux comptes obligatoire dans de nombreuses petites entreprises, car ils se sont rendu compte qu'ils étaient en train de perdre tous leurs capteurs des difficultés d’une partie majeure du tissu économique. À une époque où l'État est énormément intervenu avec, entre autres, le quoi qu'il en coûte, je ne suis pas persuadé qu'il soit très judicieux d'avoir, parallèlement, supprimé les commissaires aux comptes. À un moment ou à un autre, j’en suis persuadé il y aura un retour de balancier car l’économie a besoin de sentinelles…

À la veille de ces Universités d'été, quel message voulez-vous passer aux jeunes, ou à tous les commissaires aux comptes ?

Je veux leur dire que jamais leurs institutions n'ont été autant mobilisées pour les accompagner. On se doit d'être optimistes, actifs et non défaitistes. Moi, je suis résolument schumpetérien, donc je crois fondamentalement à la destruction créatrice. Même si aujourd’hui en ce qui nous concerne, nous ne sommes pas confrontés à une destruction brutale. On est face à une évolution qui va être, certes, réalisée à un rythme soutenu mais à laquelle il va falloir s'adapter, car elle est source de grandes opportunités, notamment pour le secteur non-financier. C'est pour cela que nous allons traiter ce thème lors de notre assemblée générale, parce que la CSRD va toucher toutes les entreprises et pas uniquement que les grosses. Nous devons également nous investir dans les nouvelles technologies, qui vont permettre de développer énormément de compétences et d'intelligence, en remplacement de tâches qui étaient à très faible valeur ajoutée. Je reste donc très optimiste. La seule préoccupation qui demeure, mais on le sait tous, c'est toujours et encore l'attractivité, dans tous les métiers où l’on a des difficultés de recrutement. Chez nous, elles sont énormes et c'est ce pari là que l’on doit réussir demain.

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