Les Universités d’été 2023 de l’Ordre des experts-comptables se sont ouvertes, le 5 septembre sur une table ronde sur l’émergence de l’intelligence artificielle et le changement qu’elle opère dans la profession de comptable. La présidente de l’OEC Paris IDF Virginie Roitman a posé la question du jour : "Comment resterons-nous meilleurs que l’IA ?", pointant du doigt le responsable de cette interrogation, ChatGPT.
Au cœur des discussions à la machine à café, entre collègues, ou amis mais aussi en famille, l’intelligence artificielle sonne "une révolution" nouvelle, arrivée plus rapidement que prévue.
Contredisant une étude de l’université d’Oxford de 2015, qui indiquait que d’ici 20 ans, la probabilité de disparition du métier d’experts-comptables était de 95 %, avec une marge d’erreur de 5 %, Virginie Roitman a affirmé que "le métier est toujours là et en pleine forme".
L’intelligence artificielle "novatrice dans la profession"
Après ces propos introductifs, le conférencier, auteur et spécialiste des nouvelles technologies Stéphane Mallard et l’expert-comptable, commissaire aux comptes, consultant et directeur de publication de la Profession comptable Stéphane Raynaud, ont exposé leur point de vue sur les impacts de l’intelligence artificielle sur les métiers de comptabilité.
"La première chose qu’il faut avoir en tête, c’est que l’intelligence artificielle est déjà arrivée dans notre métier, avec des outils qui utilisent certaines de ces fonctionnalités", a rappelé Stéphane Raynaud. Selon lui, "22 % des tâches de l’expert-comptable et de ses équipes risquent d’être automatisées avec les outils de l’intelligence artificielle" et "près 30 à 35 % des tâches vont être augmentées avec l’IA".
Cette avancée technologique sera "très utile" dans les outils de productions. "Nous aurons des fonctionnalités pour nous aider à détecter des incohérences dans les dossiers ou des schémas de comptabilisations incorrects", a-t-il ajouté. Et de poursuivre en affirmant que "l'intelligence artificielle sera véritablement novatrice dans la profession dans deux zones très spécifiques", qui sont le traitement d’une information et d’une source, ainsi que l’assemblage des informations.
Des formations à ChatGPT
Mais pour réussir, l’enjeu de la profession est de "savoir utiliser ces outils", a martelé Stéphane Raynaud. Pour cela, les experts-comptables et les collaborateurs vont devoir s’y former, puisque pour que l’IA donne les bonnes réponses, il faut "savoir poser les bonnes questions à l’outil". D’ailleurs, Virginie Roitman a profité de cette table ronde pour rappeler que l’Ordre des experts-comptables propose déjà des dizaines de formations relatives à la mutation des cabinets dans le catalogue régional, et notamment deux sur l’intelligence artificielle : "Devenez un pro de ChatGPT", ainsi que "ChatGPT : comment en faire un allié pour votre cabinet ?".
Une fois formée, Stéphane Raynaud est convaincu que la difficulté sera "de faire passer un message". Pour cela, "le rôle de l’humain" est primordial. "Un facteur d’attractivité d’un expert-comptable est évidemment le lien émotionnel qu’il peut avoir avec son client", a-t-il appuyé.
Les experts-comptables doivent être "proactifs"
En défenseur de l’IA, Stéphane Mallard pense que l’utilisation de l’intelligence artificielle doit aller plus loin que le traitement et l’assemblage des informations. "Elle va commodiser la valeur ajoutée dans l’expertise comptable", a-t-il résumé. Selon lui, "il vaut mieux automatiser les tâches les plus rentables, donc les plus complexes, celles qui reposent sur de l'expertise pointue", étant donné que "le bon expert-comptable, ce n'est pas celui qui est techniquement bon, mais celui qui est humainement excellent".
En ce sens, le spécialiste des nouvelles technologies a encouragé les experts-comptables à tester et expérimenter tous les outils qui sont à leur disposition, notamment ceux proposés par les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft). "L'IA va venir de manière fluide dans tous les secteurs, y compris dans le vôtre. Il vous faut donc changer de posture. Le monde dans lequel on entre, c'est un monde où c'est vous, les experts-comptables, qui devez aller vers votre client pour l'informer d'un sujet dont il n'a pas encore connaissance. C'est la proactivité". Il s’est alors répété : "La valeur ajoutée des experts-comptables, c’est vraiment le relationnel. Le côté humain que n’a pas la machine".
Pour conclure ses propos, Stéphane Mallard a insisté sur le fait que "l'intelligence artificielle deviendra une commodité, tout comme l'intelligence". Selon le conférencier, "les experts-comptables, mais pas seulement, se différencieront alors sur le fait d'être de bons êtres humains, avec qui les clients peuvent interagir".
Prendre conscience, se former et changer d’ADN
Le mot de la fin a ensuite été donné à Virginie Roitman. La présidente de l’OEC Paris IDF a rejoint les points des deux autres intervenants, et donné la marche à suivre pour que le métier s’adapte aux changements, et notamment à l’arrivée de l’intelligence artificielle. "L'expert-comptable d’aujourd'hui doit prendre conscience que l'environnement évolue", a-t-elle annoncé.
Elle a poursuivi en insistant sur le besoin de "formation aux outils et aux compétences nécessaires", ciblant notamment ChatGPT. Enfin, son dernier axe vise à "changer l’ADN des experts-comptables". "Arrêtons de croire que nous sommes le bras droit de l'administration fiscale et sociale", a-t-elle lancé. La présidente de l’OEC Paris IDF a conclu : "Pour être proactif, il faut repositionner le client au cœur de nos cabinets. C'est très compliqué à faire, mais pour que nos cabinets soient viables demain, nous devons renforcer nos soft skills, et vendre toutes ces prestations supplémentaires, cette proactivité".