Le Tribunal de Commerce de Paris a été le théâtre de conférences à l’occasion de la Nuit du droit, le 4 octobre dernier. L’une d’elles, organisée dans la salle principale du Palais, a évoqué "la nouvelle politique française d’attractivité et d’influence par le droit". Cette dernière a été l’occasion pour huit acteurs de présenter les travaux de Paris Place de droit, et de débattre sur l’attractivité du droit français.
Le droit, "levier démultiplicateur" des professions juridiques
L’avocat Matthias Fekl, modérateur de cette table ronde et animateur de lacommission Attractivité de Paris Place de droit, a rappelé que les études de cette dernière concernent "à la fois le droit comme facteur d'attractivité de l’économie française et comme facteur d'intérêt pour les investisseurs internationaux, mais aussi l'activité économique comme levier démultiplicateur pour les professions juridiques".
Nous sommes évidemment attachés au rayonnement et au développement de la Place de droit de Paris, qui est aujourd'hui en concurrence avec des places de droit importantes dans le monde entier.
Afin de continuer à améliorer la Place du droit de Paris, sa Commission attractivité, qui compte 24 membres de douze horizons différents (direction juridique, avocats, experts financiers, membres de CCI France, et professeurs de droit), met en place des diagnostics et des échanges. Au cours de cette table ronde, Laure Lavorel, présidente honoraire du Cercle Montesquieu, Jérémie Fierville, avocat associé chez Signature Litigation, et Gabriel Hannotin, avocat chez Gide ont d’ailleurs présenté le nouveau questionnaire sur l’attractivité de la France en matière de résolution des litiges internationaux, qui est en cours de diffusion.
Un questionnaire pour améliorer les atouts et les points faibles
Le marché du droit des affaires en général, notamment des litiges, est désormais mondialisé, fortement concurrentiel, et un enjeu économique majeur. [...] L'objectif de la commission est d'identifier les actions les plus pertinentes pourpromouvoir notre place de droit. Cette promotion passe notamment par l'identification des messages les plus convaincants et les moyens de les relayer efficacement auprès des décideurs.
- Jérémie Fierville.
Gabriel Hannotin a poursuivi en précisant que “le questionnaire comporte une série de questions, qui portent tout d’abord sur les critères de choix des entreprises en matière de gestion des litiges". Une deuxième partie est tournée vers "la compréhension des raisons de l’attractivité de Paris et de la France, comme place de résolution définitive, notamment en matière judiciaire". La troisième vise à "évaluer l’attractivité de Paris comme place d’arbitrage". Enfin, la dernière série concerne "les leviers pour améliorer l’attractivité de Paris, en faisant des comparaisons avec les autres places internationales".
L’objectif final de ce questionnaire, pour Gabriel Hannotin, est "d’identifier les principaux atouts, mais également les points d’amélioration pour promouvoir notre attractivité et en même temps faire des propositions concrètes aux Pouvoirs publics pour améliorer l’existant".
Laure Lavorel a ensuite lancé un appel aux directeurs juridiques :
Ces questions sont utiles, répondez-y ! Elles nous aideront à comprendre les attentes des entreprises, et à donner à Paris une place de choix pour plaider les litiges, mais aussi les contentieux au sens large, avec également les procédures amiables.
Des compétences dans les affaires et le commerce
Après cette introduction, les autres invités sont intervenus à tour de rôle. Le premier à prendre la parole a été François de Maublanc, vice-président du Tribunal de Commerce de Paris. Ce dernier a vanté la Place du droit de Paris :
Nous avons été capables de prendre ce qu’il y avait de mieux dans les procédures anglo-saxonnes et latines, et donc de mettre en place une procédure moderne dans laquelle on fait plus appel aux témoins, et où on accepte davantage les interrogations croisées. Nous effectuons aussi des procédures en anglais, grâce à des juges de la Chambre internationale qui sont bilingues.
Il a également ajouté :
Nos juges ont des compétences indéniables dans ce qu'est la vie internationale des affaires et du commerce, ainsi que des compétences, moins reconnues mais certaines, dans la matière juridique. Les justiciables vont avoir confiance en nous parce que nous comprendrons ce qu'ils vont nous dire.
Le legal privilege : un progrès
Jean-Philippe Gille a enchaîné en rappelant une "évidence", qui a trouvé son écho dans la salle : "Pour être influent et rayonner à l'international, il est fondamental d'être d'abord fort chez soi". Le président de l’Association française des juristes d’entreprise (AFJE) a ensuite fait part de sa satisfaction vis-à-vis de l’arrivée du legal privilege, adopté en juillet dernier par l’Assemblée nationale, qui protégera, sous condition, les consultations juridiques des juristes d’entreprises. "Cette confidentialité est un progrès. Elle permettra de relever les défis monumentaux de la conformité et modèlera pour une longue période l’économie par deux facteurs fondamentaux qui sont le dérèglement climatique et l’intelligence artificielle".
Cette disposition va envoyer un signal fort aux entreprises et aux directions juridiques pour rester en France. Elle est juste indispensable pour la souveraineté économique, pour relever le défi de la conformité dans les entreprises et pour l'écosystème juridique de notre pays. Avec des directions juridiques fortes implantées en France, c'est tout cet écosystème juridique avec les avocats et les tribunaux qui sortira gagnant.
- Jean-Philippe Gille, président de l’AFJE.
"Mettre en avant la Place de droit de Paris"
De son côté, Laurent Saint-Martin, directeur général de Business France, pense que "la notion de l'attractivité de la Place de droit de Paris revient trop peu". Il estime, chiffres à l’appui, "une hausse conséquente du nombre de litiges internationaux", et que la France a retrouvé "de l’attractivité en termes d’investissement direct étranger". Mais Laurent Saint-Martin considère que les efforts sont à poursuivre :
Je crois qu'il faut encore beaucoup plus mettre en avant, et en valeur la Place de droit de Paris, pour en faire finalement l’une des championnes en la matière, et pour nous permettre d'avoir encore ce coup d'avance que nous avons aujourd'hui en Europe.
Enfin, la dernière intervenante, Blandine Gardey de Soos, conseillère affaires civiles au cabinet du garde des Sceaux, ancienne cheffe du bureau de la déontologie et de la discipline des professions au ministère de la Justice a souligné l’importance du droit, qui est à la fois "un outil diplomatique, un instrument politique, et aussi un vecteur d'influence". Selon elle, "la France n'a pas à rougir de son bagage, puisque le modèle juridique français a été retenu par à peu près 70 % des pays dans le monde". Elle a ensuite précisé : "Sur les 20 plus grandes économies mondiales, 13 ont retenu notre modèle juridique".
"Développer la présence de nos juristes" à l’international
Pour Blandine Gardey de Soos, faire rayonner le droit français à l’extérieur implique "une ambition forte", celle de "faire connaître et aimer notre droit, montrer qu’il a une plus-value et un atout pour l’activité de l’entreprise". Pour cela, elle met en avant trois vecteurs : "développerla présence de nos juristes et de nos experts français dans les institutions internationales", "mettre en place des politiques de coopération bilatérale", et "appuyer sur le contenu de notre droit, c’est-à-dire de nos textes".
A domicile, la donne est différente, selon Blandine Gardey de Soos, mais tout aussi importante, puisqu’il "n’y a pas forcément besoin de sortir de l’Hexagone pour développerune stratégie d’influence par le droit". Elle entend "former les juristes dès l'université et dans les écoles professionnelles à l'internationalité du droit, à l’idée de promouvoir notre modèle de droit continental", " valoriser l’offre de services", et"faire rayonner le droit français à l'international".
Et de conclure :
Vous pouvez être fiers du modèle juridique français. Nous devons tous travailler main dans la main, public et privé, pour que notre stratégie d’influence par le droit ait un réel impact.
- Blandine Gardey de Soos, conseillère affaires civiles au cabinet du garde des Sceaux, ministre de la Justice