Ce jour, lundi 6 novembre, s’ouvrira à 14h00 au palais de justice de Paris l'audience, tant attendue par certains, devant la Cour de justice de la République (CJR), seule habilitée à juger des membres du Gouvernement pour des faits commis dans l'exercice de leurs fonctions.
Du jamais-vu sous la Ve République
C’est la première fois qu’est jugé un ministre en exercice. Du jamais-vu pour un procès qui promet d’être très médiatique, tant par ces circonstances inédites que par la personnalité de l’accusé.
"Serein" et ayant "hâte" de s'expliquer, selon son entourage, Éric Dupond-Moretti devrait avoir la parole pour une déclaration liminaire dès la fin d'après-midi. Son interrogatoire est prévu mardi matin. Malgré sa mise en examen pour prise illégale d’intérêts, l’ex-ténor du barreau semble avoir la confiance du président de la République, qui le maintient en poste.
Il restera donc ministre le temps de l'audience, prévue jusqu'au 16 novembre. Des mesures seront simplement prises "afin d'assurer le bon fonctionnement des Pouvoirs publics et la continuité de l'État", comme des délégations de signature, une absence excusée au Conseil des ministres ou encore son remplacement au banc du Gouvernement au Parlement, a précisé une source gouvernementale.
"Il faudra qu'il ait le temps nécessaire pour se défendre", a justifié vendredi la Première ministre Elisabeth Borne.
Remise en cause de la légitimité de l’audience
Un état de fait qui pose problème pour certains. L’ex-avocat est actuellement le ministre de "tutelle des magistrats", le "ministre d'une partie des députés qui vont le juger", et l'avocat général "qui va requérir contre lui doit toute sa carrière à la Macronie", a fait valoir dimanche sur Radio J le patron du Parti socialiste Olivier Faure, craignant un procès "largement tronqué" dont la légitimité est entachée.
"La journée (il va) être jugé et puis il revient à son bureau le soir traiter des affaires de la justice (...) ça laisse planer une suspicion", regrette Sébastien Chenu, porte-parole du Rassemblement national.
Régulièrement critiquée pour la clémence de ces jugements, la Cour de justice de la République est une juridiction mi-juridique mi-politique, composée de trois magistrats de la Cour de cassation et de douze parlementaires de partis divers.
L’accusé clame son innocence et répète n'avoir fait que "suivre les recommandations" de son ministère en lançant des enquêtes administratives contre quatre magistrats avec qui il avait eu des différends quand il était membre du barreau.
Une vingtaine de témoins se succéderont à la barre, dont l'ancien Premier ministre Jean Castex, les magistrats suscités, les syndicalistes à l'origine des plaintes contre le ministre, l’ex-garde des Sceaux Nicole Belloubet et l'ex-procureur général près la Cour de cassation François Molins.
Quoi qu’il en soit, la règle est claire : s’il est reconnu coupable Éric Dupond-Moretti devra démissionner. Le garde des Sceaux encourt cinq ans d'emprisonnement, 500 000 euros d'amende, ainsi qu'une peine complémentaire d'inéligibilité et d'interdiction d'exercer une fonction publique.