AccueilActualitéRégion Île-de-France & Grand ParisPhilippe Boué : "L’ascenseur est essentiel pour beaucoup de gens"

Philippe Boué : "L’ascenseur est essentiel pour beaucoup de gens"

À l’occasion des trophées de l’ascenseur 2023, le président de la Fédération Philippe Boué a évoqué la situation de ce secteur qui emploie 17 000 personnes.
Philippe Boué, PDG de Schindler France et président de la Fédération des Ascenseurs.
© DR - Philippe Boué, PDG de Schindler France et président de la Fédération des Ascenseurs.

ActualitéRégion Île-de-France & Grand Paris Publié le , Propos recueillis par Boris Stoykov

Le président de la Fédération des ascenseursPhilippe Boué, président-directeur général de Schindler France, est revenu sur les perspectives du secteur, à l’occasion des trophées de l’ascenseur 2023. Il a notamment évoqué l’urgence de la modernisation d’un parc trop vétuste, la création d’un BTS et les difficultés de recrutement.

Affiches Parisiennes : Où se situe le secteur de l’ascenseur aujourd’hui ?

Philippe Boué : Sur le marché neuf, nous sommes à peu près à 9 000 ascenseurs par an, mais avec une baisse de 15 % l’année dernière, qui est due à une diminution des permis de construire et du démarrage des programmes neufs. Du côté de la rénovation, le marché est en augmentation, mais face à un parc trop vétuste, la situation devient urgente. Nous avons d’ailleurs un problème de disponibilités des pièces sur les pannes d’ascenseurs.

Quels sont les délais moyens de réparation des ascenseurs ?

Il serait de bon ton de dire qu’ils sont en train d'être réduits. Mais en fait, je vais être provocant, ils ne vont peut-être pas s’améliorer, puisque malheureusement la disponibilité des pièces de rechange se réduit petit à petit et que de son côté la technologie continue d’avancer.

C’est une réalité, les délais de réparation se chiffrent en semaines, à cause de pièces de réparation qui sont manquantes. Finalement la moyenne s’améliore, mais les délais pour les cas un peu extrêmes augmentent.

Comment expliquez-vous ces pièces manquantes ?

Post-Covid, sans parler des sociétés d’ascenseurs qui ne fabriquent pas tous leurs composants électroniques, nous avons des industriels qui ont interrompu des chaines de production, parce qu’économiquement ce n’est plus viable. Or nous sommes tributaires des personnes qui fabriquent en amont…

À titre d’exemple, j’ai été confronté récemment à un cas avec une personne bloquée dans un ascenseur âgé de plus de 65 ans. J’ai creusé le flux, pour savoir d’où venait la pièce à changer. Le résultat est alarmant, elle était fabriquée en Allemagne, mais le fournisseur a cessé son activité. Donc pour la remplacer, il faut quasiment faire du sur-mesure. C’est comme pour les voitures, les pièces d’ascenseur ne sont pas toujours disponibles.

Les imprimantes 3D ne peuvent pas résoudre le problème et faire gagner du temps ?

Elles sont déjà utilisées, mais quand les pièces sont discontinuées, c’est-à-dire qu’elles ne sont plus sur le marché, il faut retrouver de vieux catalogues et la chercher. Il faut ensuite lancer la fabrication, mais pour cela il nous faut absolument les plans d’origine. Dans le meilleur des mondes, si j’étais industriel, je garderais toutes les références pour pouvoir les refaire, mais la plupart des pièces ne serviront plus, donc ce n’est pas toujours possible et le stockage est compliqué.

Au bout de combien de temps préconisez-vous de changer un ascenseur ?

En copropriété je dirais, entre 30 et 40 ans maximum, selon l’usage bien évidemment. Pourtant, en France, sur les plus de 600 000 ascenseurs que contient notre parc, plus d’un quart ont plus de 40 ans et 50 % des appareils ont au moins 25 ans. Il faut que toutes les parties prenantes et les pouvoirs publics œuvrent pour l’amélioration et la modernisation des ascenseurs.

Le sujet de la formation et du recrutement est assez central en ce moment. Rencontrez-vous des difficultés pour recruter ? Pouvez-vous faire venir des ascensoristes d’autres pays ?

Un technicien ascensoriste formé qui vient d’un autre pays européen, on le prend tout de suite. La situation s’est améliorée ces derniers temps. Après la Covid-19, nous avons eu une grande rotation d'effectifs, avec des difficultés à gérer. Maintenant, les personnes sont en poste, mais le problème se trouve au niveau de la formation.

© AP, Alain Meslier, délégué général de la Fédération des Ascenseurs, et Philippe Boué, président de la Fédération des Ascenseurs.

Qu’avez-vous mis en place pour favoriser la formation ?

Nous avons créé avec l'Éducation nationale un BTS Ascenseur. Aujourd'hui, il y a 12 lycées qui le proposent, en plus de la mention complémentaire au bac pro, mais ils rencontrent tous des problèmes pour remplir les classes. Nous avons un indicateur qui est parlant : c'est le lycée Louis Armand à Mulhouse. Cet établissement a eu une mention complémentaire depuis des années et le bassin d'emploi fait qu'ils ont toujours dû refuser des candidats. Pour la première fois, à la rentrée de septembre 2022, ils ont eu des places libres. Les jeunes aujourd’hui ont d’autres projets, ils n’ont pas forcément envie d’embrasser une carrière technique.

Quel est le salaire pour un technicien ascensoriste ?

En sortie d’école, ils sont aux alentours de 2 300 euros brut. Ce sont des techniciens supérieurs, donc ils ne sont pas au SMIC. Au-delà du salaire, il y a des perspectives de carrière très larges et diversifiés, allant de l'expertise technique, en passant par le management commercial, jusqu’au bureau d'études.

Le métier d’ascensoriste développe l'autonomie. Il n'y a pas deux journées identiques. En tant que technicien de maintenance les dépannages sont très variées. Ce travail ne s’effectue pas à la chaîne, il est différent de la maintenance industrielle en usine. Avoir des taches qui changent tous les jours, ça peut plaire ou non, mais quand je regarde nos sociétés, généralement nous avons des techniciens qui ont entre 30 et 45 ans d’ancienneté. Il est assez fréquent d’avoir des départs à la retraite de techniciens qui n’ont connu qu’une entreprise, avec une carrière qui les a pleinement épanouis.

Est-ce que vous souffrez aujourd'hui d'une concurrence étrangère ?

Non, aucunement dans le neuf et encore moins en maintenance. C’est un métier qui ne se délocalise pas. Après oui, nous avons des sous-traitants pour toute la partie construction qui viennent de pays de l’Est. Les relations sont d’ailleurs très bonnes, et nous voudrions en avoir encore plus.

Avez-vous des personnes en reconversion qui se penchent sur ce métier d’ascensoriste ?

Oui, nous faisons des préparations opérationnelles à l’emploi individuelle (POEI), avec Pôle emploi (prochainement France travail). Cet accompagnement est une aide pour les employeurs au financement d’une formation préalable à l’embauche avec un contrat de 12 mois minimum, à destination de personnes qui sont en reconversions professionnelles.

Notre politique de recrutement a d’ailleurs évolué. Nous dépensons davantage qu'avant en matière de formation. Avant, nous recrutions que des ascensoristes, donc nous n’avions pas besoin de les former, à part à notre matériel. Maintenant, la grande nouveauté, c'est que nous recrutons des personnes qui n'ont rien à voir avec le secteur de l’ascenseur, même si nous demandons un minimum de connaissance, notamment la lecture des plans électriques et mécaniques. La formation est effectuée et financée par nos sociétés.

Dans ma société, Schindler France, nous utilisons, comme au judo des ceintures. En effet, le métier ne s’apprend pas du jour au lendemain. Pour devenir un excellent technicien d’ascenseur, il faut dix et avoir vu différents types de pannes et de technologies. Chez nous, nous avons plusieurs cursus. Sur les trois premiers mois, la recrue n’intervient pas. Ensuite, elle le fera, mais accompagnée. Enfin, je dirai qu’une intervention seule peut être envisageable au bout d’un an et demi en fonction des progrès de la personne.


- À propos de la durée de formation d’un technicien de l’ascenseur

L'apprentissage fonctionne bien dans votre filière ?

Oui, et nous n’avons pas attendu pour mettre en place l’apprentissage. C'est une voie très naturelle qui a toujours été en place dans notre profession. C’est la meilleure façon de professionnaliser, de sélectionner, d'accompagner, et de faire grandir une personne.

Est-ce que vous appréhendez une crise de l'immobilier ?

Nous sommes déjà en plein dedans. Pour nous, ce n'est pas une bonne nouvelle, mais la crise immobilière est certaine. Les travaux sont onéreux, or si l'écosystème n'a pas d'argent, que ça soit au niveau de la construction neuve, dans la rénovation ou dans les services à l'immobilier, rien ne bougera. Nos acteurs avec lesquels nous travaillons risquent de se retrouver très vite en perte de vitesse, et nous aurons besoins de compensation par l'État.

Quel est le coût pour une copropriété si elle veut changer son ascenseur ?

Il se situe entre 35 000 et 50 000 euros, puisqu’il faut déposer l’ancien, réaliser des études, puis installer le nouvel ascenseur.

Aujourd'hui, votre demande, c'est d'encourager la rénovation vis-à-vis des Pouvoirs publics ?

Il faut que les copropriétaires n’oublient la fonction essentielle de l’ascenseur. La rénovation est importante et elle permet des économies d’énergie. Nous les incitons donc à aller de l’avant et à réaliser le remplacement des ascenseurs de plus de 40 ans. Pour les bailleurs sociaux, nous comprenons qu’ils ont besoin de financement, et donc nous encourageons les Pouvoirs publics à considérer la fonction d’ascenseur comme le reste du bâtiment.

Les chiffres clés de la Fédération des ascenseurs

182 entreprises adhérentes des groupes et des PME réparties sur l’ensemble du territoire.

La Fédération des ascenseurs représente 90 % du secteur avec un chiffre d’affaires de 2,65 milliards d’euros en 2022

17 000 salariés en 2022, un chiffre stable depuis 2018, dont 70 % sont des opérationnels, du terrain, dédiés à la maintenance du parc.

637 000 ascenseurs dans le parc français, dont 60 % dans le logement (sur ces 380 000 ascenseurs : 80 % en copropriétés – 20 % en habitat social). Sur l’ensemble du parc, 50 % des appareils ont plus de 25 ans et 25 % ont plus de 40 ans.

Environ 10 000 ascenseurs neufs installés chaque année en France.

650 Kwh, c’est la consommation annuelle moyenne des ascenseurs les plus récents soit 5 fois moins qu’un appareil datant des années 1960.

100millions de trajets par jour en France : l’ascenseur est le premier moyen de transport.

La remise en route des appareils en panne se fait en moyenne dans un délai de moins de 4h.

1h, c’est le délai d’intervention du technicien en cas de panne pour procéder au déblocage des personnes.

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