AccueilActualitéRégion Île-de-France & Grand ParisPour Édouard Philippe, la pensée stratégique est en train de disparaître

Pour Édouard Philippe, la pensée stratégique est en train de disparaître

Edouard Philippe, ancien Premier ministre et maire du Havre, a débattu avec les patrons d'Ethic et évoqué notamment la question de la pensée stratégique, qu'il estime être en voie de disparition.
L’ancien Premier ministre a fait salle comble lors du déjeuner-débat.
© AP/ Quentin Clauzon - L’ancien Premier ministre a fait salle comble lors du déjeuner-débat.

ActualitéRégion Île-de-France & Grand Paris Publié le , Boris Stoykov

Lors du dernier déjeuner-débat du mouvement Ethic, Édouard Philippe, ancien Premier ministre et maire du Havre, a été invité à discuter du thème “l'entreprise ne devrait-elle pas être, aujourd’hui, le socle de la nation française ?”.

Rejoignant la tribune qui lui était réservée pour l’occasion, l’ancien locataire de Matignon a entamé sa démonstration en revenant sur le concept même de nation. “C’est fondamentalement un souvenir, au sens où c’est un lien avec le passé, peut-être une appartenance, peut-être une révérence. C’est l’idée que nous venons de quelque part collectivement”, a commencé l’ancien Premier ministre. C’est “l’idée d'une culture dans laquelle nous nous exprimons, dans laquelle nous nous reconnaissons”. C’est également “l'idée d'une géographie et d'une histoire, dequelque chose qui nous pousse depuis le passé”.

Une tension vers un projet

Mais la nation n’est pas qu’un souvenir, c’est aussi une tension vers un projet, vers un futur, “avec une volonté collective de faire quelque chose ensemble”. La nation française a, selon Édouard Philippe, une particularité, celle d’être “fondamentalement politique”. Pour “se tenir”, elle doit “se rassembler autour d’un projet”. Le danger, le risque, pour les nations politiques, est finalement l’absence de projet collectif.

La France est grande, la France se tient en tant que nation quand elle est toute entière tournée vers un projet politique, quand une masse de ses concitoyens adhère à un projet”, apoursuivi le patron du parti Horizons, prenant pour exemples la reconstruction en 1945, ou encore l’universalisme au moment de la Révolution.

Or, aujourd’hui, le pays pâtit d’une absence de projet collectif partagé, d’une absence de stratégie. Edouard Philippe a déploré :

Parce que le débat public est d’une qualité médiocre, parce que nous ne savons pas très bien quel est notre rapport, ni au monde, ni au futur, nous n'avons pas véritablement de stratégie. Nous avons des intérêts que nous essayons de défendre, des problèmes que nous tentons de régler. Nous n’avons pas véritablement de grandes idées, de grands projets collectifs.

Mais quelle est la place de l’entreprise dans la nation, finalement ? Pour l'ancien Premier ministre, la force, l’existence d’une nation, son influence, son rayonnement et sa capacité à faire prévaloir ses intérêts sont, à long terme, toujours fonction de sa prospérité, de sa création de richesse.

Si “l’entreprise n’est pas le socle de la nation, au sens où c’est une question de citoyens et d'individus, au bout du compte, la création de prospérité, la création de richesse, est toujours l’ affaire de l'entreprise et donc toujours indispensable au succès et au maintien de la nation”.

Le règne de l’immédiateté

Le règne de l'immédiateté, de la réaction à chaud, est une autre menace qui pèse sur la pensée stratégique. Cette pensée de moyen et de long terme est "en train de disparaître tranquillement" dans le débat public et dans le fonctionnement des organes publics. Elle se trouve aujourd'hui, paradoxalement, plus facilement au niveau des collectivités, notamment des maires.


Ça peut sembler curieux, mais c'est la vérité. Je vois très peu de responsables politiques capables d'expliquer ce qu'ils pensent de la France à 30 ans. On en trouve toujours un peu dans les collectivités et on en trouve évidemment dans les entreprises, qui se rassemblent pour réfléchir aux évolutions de la société, du marché.

L'ancien Premier ministre se dit, par ailleurs, particulièrement inquiet quant à l'appauvrissement relatif des classes moyennes. Pour lui, la démocratie ne peut pas résister durablement à l'érosion du pouvoir d'achat de ces populations. Il y a, en effet, l'idée, dans la promesse démocratique, que ces classes peuvent "envisager un avenir pour leurs enfants au moins égal et probablement supérieur au présent qu'elles vivent".

Mais si la question du pouvoir d'achat se pose à l'État, elle se pose d'abord aux entreprises.

C'est la question de l’augmentation de la productivité, c'est la question de l'innovation, c'est la question de la société ouverte, donc de la possibilité de progression sociale, professionnelle.

© AP/ Quentin Clauzon - Edouard Philippe et Sophie de Menthon, présidente d’Ethic.

La question des finances publiques

Interrogé par Sophie de Menthon, présidente d'Ethic, sur les finances publiques, Édouard Philippe en a profité pour revenir sur son expérience à Matignon.

J'ai longtemps pensé que pour réduire la dette, il fallait s’astreindre à une règle et la tenir de façon constante et cohérente dans le temps, en faisant en sorte que les dépenses publiques ne progressent pas plus vite que la croissance du PIB, en gérant l’argent public avec parcimonie et sérieux… Je pensais que c’était possible et je me disais que face à une situation compliquée, les solutions du bon élève devaient pouvoir prévaloir. Je ne crois plus cela.

L'ancien Premier ministre a notamment observé que cela ne tenait pas dans la durée et qu'il était difficile de convaincre durablement les partis et la population de l'intérêt de cette politique. Pour maîtriser à nouveau les finances publiques, il faudra, au-delà du sérieux budgétaire, "secouer des pans entiers de la dépense publique, probablement en les sous-traitant".

Selon Édouard Philippe, l'essentiel de la dépense publique est représenté par le social, soit les retraites et la santé. La dernière est difficile à contraindre - même si elle pourrait être “mieux gérée” -, tandis que la première devra nécessairement être réglée à l’avenir.

A côté, il considère qu'il y a des pans de dépenses publiques qui ne “fonctionnent pas” et qu'il faut “reprendre entièrement”. C'est notamment le cas de la politique du logement, à laquelle le pays consacre près de 40 milliards d’euros par an, “avec des canaux de distribution qui ne sont pas d’une clarté totale”. Face aux dirigeants d’Ethic, qui demandent que “l’Etat leur fasse confiance”, l'élu s'est dit ouvert à une réduction des normes en la matière, en contrepartie d'une dépense publique moins forte.

S’il considère la question du logement comme essentielle, Édouard Philippe estime qu’elle ne relève pas du régalien. “Je crois que l’Etat doit se concentrer sur le régalien, à savoir la défense, la sécurité, et la justice, le maillon de la chaîne régalienne le plus fragile”, a expliqué le patron d’Horizons.

L’éducation, un sujet premier

Mais la politique à réformer en premieret avec le plus d’intensité est celle de l’éducation. “On ne règle aucun des sujets importants et urgents si l’on ne règle pas celle de l’école en premier, a ajouté l’élu, qui voudrait “mettre le paquet” sur les petites classes. Il souhaite, par ailleurs, donner plus de liberté aux établissements scolaires. La question n’est, selon lui, pas celle des moyens, puisque nous ne payons ni moins qu’avant ni moins qu’ailleurs pour le système scolaire”. Mais il reste que ce système “est en train de s'effondrer”. Édouard Philippe souhaite, au-delà, revenir sur “ce à quoi nous renonçons”, à savoir le fait que l’école doit servir à nous élever : “L’école doit permettre à ceux qui ont décroché de remonter la pente, et à ceux qui sont bons de devenir meilleurs”.

Certainement, un projet politique d'avenir.

Partager :
Abonnez-vous
  • Abonnement intégral papier + numérique

  • Nos suppléments et numéros spéciaux

  • Accès illimité à nos services

S'abonner
Journal du 21 avril 2023

Journal du21 avril 2023

Journal du 14 avril 2023

Journal du14 avril 2023

Journal du 07 avril 2023

Journal du07 avril 2023

Journal du 31 mars 2023

Journal du31 mars 2023

S'abonner
Envoyer à un ami
Connexion
Mot de passe oublié ?