Le système de retraite français est composé de 42 régimes de base et de 13 systèmes de réversion différents. Il est donc extrêmement complexe, et la réforme ne se limite pas au relèvement de l’âge légal de 62 à 64 ans. Pour optimiser sa retraite, chaque cas doit en conséquence être étudié individuellement. Après l’abandon de la réforme “systémique” par points en 2020, cette réforme peut être qualifiée de “paramétrique”, puisqu’elle impacte les paramètres de calcul de la retraite de chaque Français.
Ce qui change
L'âge légal de départ à la retraite est progressivement relevé et l’allongement de la durée d’assurance pour bénéficier du taux plein est accéléré.
Pour les assurés nés à compter du 1 er septembre 1961 :
- l'âge légal de départ à la retraite est progressivement relevé de 62 à 64 ans à raison de trois mois par génération dès le 1 er septembre 2023 : l'âge légal sera donc de 64 ans en 2030 pour les assurés nés en 1968 et suivants ;
- la durée “cible” d’assurance requise pour obtenir le taux plein, fixée à 43 ans, soit 172 trimestres par la réforme Touraine de 2014, n’augmente pas mais elle sera appliquée dès 2027 au lieu de 2035, à raison d’un trimestre supplémentaire par an au lieu d’un trimestre tous les trois ans ;
- la durée “cible” de 172 trimestres sera donc applicable dès la génération née en 1965 au lieu de la génération née en 1973 dans la réforme de 2014.
Le libre arbitrage des majorations de durée d’assurance pour enfants est modifié
Quatre trimestres pour maternité sont toujours attribués à la mère pour chaque enfant. Concernant les trimestres pour éducation ou adoption, deux seront automatiquement attribués à la mère à partir du 1er septembre 2023, le libre arbitrage entre l’attribution au père ou à la mère ne portant plus que sur deux trimestres au lieu de quatre précédemment. Pour rappel, pour les enfants nés ou adoptés avant 2010, les majorations d’éducation et d’adoption ne se partagent pas et sont attribuées à la mère.
Par ailleurs, la loi prévoit que les quatre trimestres éducation soient garanties en cas de décès de l’enfant durant ses quatre premières années, ce qui n’était pas le cas jusque-là ; et elle rajoute un nouveau cas de suppression de trimestres éducation pour les parents condamnés pour violences sur enfants (pour rappel, les parents qui ont été privés de l’autorité parentale par condamnation ne peuvent déjà pas bénéficier des trimestres pour éducation).
La majoration de 10 % pour trois enfants et plus est étendue
Les salariés ainsi que les indépendants relevant du régime général bénéficient d’une majoration de 10 % sur le montant de leur retraite de base s’ils ont eu au moins trois enfants et/ou les ont élevés pendant au moins neuf ans avant leur seizième anniversaire. Cette majoration est étendue aux pensions des régimes de base de la CNAVPL (entre autres sages-femmes, médecins, infirmiers, vétérinaires, agents généraux d’assurance, experts-comptables, ingénieurs, techniciens, géomètres, experts, conseils, consultants, notaires...) ainsi que de la CNBF (avocats) pour les pensions versées à compter du 1 er septembre 2023.
L’emploi des seniors et la reconversion professionnelle sont favorisés
L’objectif est de maintenir les seniors en activité le plus longtemps possible. Le Gouvernement est parti du constat que la principale cause de départ après 50 ans était la rupture conventionnelle, qui coûtait moins cher à l’employeur que la mise à la retraite. Pour remédier à cette situation, le forfait social à 20 % dû sur l’indemnité de rupture conventionnelle est supprimé et remplacé par une contribution spécifique de 30 %, que le salarié soit en âge ou non de liquider sa retraite. Et cette même contribution de 30 % sera également due sur l’indemnité de mise à la retraite. Dans le cadre du compte professionnel de prévention (C2P), les salariés soumis à des emplois pénibles peuvent cumuler des points selon certains critères. Désormais, le nombre de points n’est plus limité à deux par trimestre car il sera calculé en fonction du nombre de facteurs de risque auquel le salarié est exposé. Par ailleurs, il n’y a plus de limite de cumul de points ; ceux-ci pourront toujours financer un passage à temps partiel, une retraite anticipée ou une formation et pourront, en plus, financer un projet de reconversion professionnelle. En revanche, l’utilisation des points sera limitée quand ils seront utilisés pour un passage à temps partiel.
Le dispositif de retraite anticipée est adapté
Le dispositif de départ en retraite anticipée pour carrière longue est préservé mais adapté à compter du 1er septembre 2023. Il existe désormais quatre bornes d’âge de départ à la retraite : avoir commencé à travailler avant 16 ans pour un départ possible à 58 ans, 18 ans pour un départ possible à 60 ans, 20 ans pour un départ possible à 62 ans et 21 ans pour un départ possible à 63 ans. La règle générale des “trimestres jeune” ne change pas : cinq trimestres avant la fin de l’année civile, quatre avant la fin de l’année civile si la naissance a eu lieu au dernier trimestre. Tous les trimestres comptent (cotisés et validés). La durée minimale d’assurance cotisée est fixée à 172 trimestres cotisés, quel que soit l’âge de départ, avec une nouveauté : les trimestres au titre de l’assurance des aidants pourront être pris en compte.
Le dispositif de retraite anticipée pour les personnes handicapées est aménagé. Ainsi, l’âge minimal de départ anticipé est confirmé à 55 ans, avec la possibilité de saisir la commission médicale de l’organisme de retraite en cas de taux d’incapacité permanente de 50 % (contre 80 % auparavant). Le départ en retraite pour carrière pénible : il est fixé à 60 ans si le taux d’incapacité permanente est d’au moins 20 % reconnu au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail. Il est fixé à 62 ans si le taux est inférieur à 20 % mais au moins égal à 10 %, avec une exposition à un ou plusieurs facteurs de pénibilité pendant 5 ans au minimum au lieu de 17 ans auparavant, et si le lien est établi entre l’incapacité permanente et l’exposition à ces facteurs de pénibilité.
Un nouveau cas de retraite anticipée est créé pour les assurés reconnus inaptes au travail ou justifiant d'une incapacité permanente au moins égale à 50 % : 62 ans sans décote mais avec proratisation entre la durée d’assurance de l’assuré et la durée d’assurance pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
Ce qui ne change pas
L'âge de la retraite à taux plein est maintenu à 67 ans. Le seuil de rémunération pour valider un trimestre est maintenu à 150 fois le Smic horaire. Le salaire de référence à prendre en compte est toujours la moyenne des 25 meilleures années de revenu (et non les 25 dernières années). En outre, le taux de décote reste fixé à 1,25 % par trimestre manquant, dans une limite de 20 trimestres. Les différents taux de surcote sont maintenus et toujours sans limite de durée.
Toutefois, attention aux effets induits. Compte tenu du fait que le calcul de la décote (calcul le plus avantageux pour l’assuré) et celui de la surcote sont inchangés, le relèvement de l'âge légal à 64 ans et le maintien de l'âge taux plein à 67 ans auront les effets suivants :
En outre, en cas de report du départ en retraite au-delà de l’âge pour bénéficier du taux plein, la durée d’assurance sera majorée de 2,5 % par trimestre reporté. A titre d’exemple, un salarié né en 1965 qui aura 67 ans en 2032 avec 160 trimestres au lieu de 172 requis, avec un salaire moyen de 30 000 euros, pourra, en ne décalant son départ à la retraite que de deux trimestres, “effacer” une perte de 960 euros par an. Il conviendra donc d’étudier au cas par cas l’intérêt de travailler plus longtemps.
Comment certains effets de la réforme peuvent-ils être « amortis » ?
Rachat de trimestres et périodes de stage
Le délai pour racheter des trimestres à tarif préférentiel, au titre des études supérieures ainsi que des périodes de stages, sera rallongé. Le nombre de trimestres validés pour les sportifs de haut niveau sera augmenté et une nouvelle catégorie de rachat de trimestres sera créée. Certaines périodes de stage de formation professionnelle seront assimilées à des périodes cotisées (TUC notamment). Les décrets d’application sont en attente de publication.
A savoir : la loi prévoit une possibilité de remboursement pour les assurés nés à compter du 1er septembre 1961 qui auraient racheté des trimestres et qui, du fait du relèvement de l'âge légal, n’auraient plus aucun effet positif (demande à effectuer avant le 15 avril 2025).
Une surcote précédant l’âge légal de départ à la retraite est mise en place
En complément du dispositif de surcote déjà connu, la loi crée une nouvelle catégorie de surcote pour “compenser” les effets “négatifs” du décalage de l'âge légal de 62 à 64 ans. Le taux de cette surcote sera le même que la surcote “classique” soit 1,25 % par trimestre entre 63 et 64 ans soit un taux maximal possible de 5 % sur cette période. Sont concernés par cette surcote “dérogatoire” les parents (notamment les mères de famille) ayant validé au moins un trimestre pour maternité, éducation ou adoption.
Remarque : cette surcote “dérogatoire” viendra donc en complément de la surcote “classique” pour les assurés ayant atteint la durée de référence et qui poursuivent leur activité au-delà de l'âge légal.
La retraite progressive est assouplie et étendue à l’ensemble des régimes
La condition de durée d’assurance fixée à 150 trimestres minimum tous régimes confondus ainsi que son accès à l'âge légal moins 2 ans seraient maintenus (décret à paraître).
L’objectif est de pouvoir réduire son temps de travail tout en bénéficiant d’une partie de sa pension. Ce dispositif est sous-utilisé actuellement puisque seulement 23 000 salariés du régime général en bénéficient. Il va donc s’ouvrir à tous les salariés et à tous les indépendants qui le souhaitent.
Les modalités de la mise en place de la retraite progressive sont les suivantes :
- Le passage à la retraite progressive implique l'accord du salarié et de son employeur ;
- Les possibilités de refus par l'employeur seront encadrées (en cas de demande d'accès à la retraite progressive de la part d'un salarié ayant atteint l'âge requis, l'accord de l'employeur serait réputé acquis à défaut de réponse écrite et motivée de sa part dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande du salarié) ;
- Seule l'incompatibilité de la durée de travail souhaitée par le salarié avec l'activité économique de l'entreprise pourra justifier un refus de l'employeur ;
- Et le salarié pourra demander une dérogation à la durée minimale de temps de travail à temps partiel.
Par ailleurs, le droit à l’information à travers l’Estimation Individuelle Globale (EIG) dès 55 ans devra intégrer des simulations de passage en retraite progressive ainsi que la possibilité de cotiser sur une base temps plein.
Le cumul emploi-retraite devient producteur de droits
Il s’agit là du principal “accélérateur” de la réforme. A partir du 1er septembre 2023, le cumul-emploi retraite intégral ouvrira droit à une seconde pension dans les régimes de base mais dont le montant sera plafonné par décret. Si le salarié reprend une activité chez son dernier employeur, la constitution des nouveaux droits à retraite sera subordonnée à un délai de carence de six mois à partir de la liquidation de la première pension.
Cette seconde pension bénéficiera du taux plein – mais sans aucune majoration ou surcote ou indemnité de départ à la retraite – et elle ouvrira droit à réversion. Toute reprise d’activité après la liquidation de cette deuxième pension ne constituera pas de droits supplémentaires (en clair, pas de troisième pension).
Optimiser sa retraite en trois étapes
En fonction de ses objectifs personnels de vie, chaque assuré, futur retraité, a tout intérêt à faire un bilan de sa situation suite à cette réforme, puis à optimiser si possible ses régimes obligatoires (rachat de trimestres, cotisations classes supérieures, cotisations réversion…), et enfin à optimiser ses régimes facultatifs. Plus jeune il s’intéressera à ce sujet, plus il aura de possibilités d’actions !