À l’occasion de la Semaine de l’entreprise responsable et inclusive (Seri), le Mouvement des entreprises de France (Medef) a organisé une table ronde sur le reporting RSE des grandes entreprises. Animée par Julien Rivals, co-managing partner sustainability services chez Deloitte France, cette dernière a réuni la directrice de la direction Impact d’EDF Carine de Boissezon, la directrice RSE de Saint-Gobain Fabienne Grall et la directrice finance durable de KeringLaurence Barrère.
Pour lancer cet échange, Julien Rivals a cherché à en savoir davantage sur la fonction qu’elles occupaient et le sens donné aux titres de leur poste.
Directions Impact, RSE ou finance durable, même combat
Fabienne Grall a été la première à répondre. "Mon intitulé n’a pas évolué depuis que je l’occupe. Il a été créé au moment de la COP21, après beaucoup de réflexions. Nous sommes restés sur une définition classique. Nous avons choisi directrice RSE, soit responsabilité sociale de l’entreprise", a déclaré la directrice de Saint-Gobain. Un nom simple, mais avec une "idée d’intégration des parties prenantes et de transversalité de l’entreprise", pour que "les parties internes et externes intègrent et influent sur la stratégie et les décisions à court, moyen et long terme".
De son côté, Carine de Boissezon a avoué que son nom de poste, chief Impact officer, avait évolué l’année dernière au moment de l’Assemblée générale d’EDF, mais qu’elle était en poste depuis quatre ans. "Après un tour des parties prenantes, je me suis fait un peu bousculer sur le thème Développement durable quand je suis arrivée en poste en 2019. Le sentiment global qui ressortait était que nous n’allions pas assez vite et qu’il fallait que nous arrêtions de dire que nous étions les meilleurs et qu’il allait accepter de regarder les impacts négatifs et que nous les minimisions", a-t-elle indiqué.
L’entreprise a alors reçu le collectif Pour un réveil écologique et répondu au questionnaire Manifeste. "Le changement de nom s’est finalement fait à la fin d’un processus de quatre ans, où nous avons publié notre rapport d’impact, puis notre Impact score. Nous voulions une notion absolue d’impact", a précisé la directrice de la direction Impact d’EDF.
Chez Kering a été créée la direction finance durable, il y a un an. Laurence Barrère a justifié cette ouverture :
C’est dans cette direction que la finance doit être dans les prochaines années, avec un directeur financier qui sera aussi de plus en plus impliqué dans des projets de transformation. Il y a une nécessité d’allier l’euro et le CO2, même de façon beaucoup plus large, l’euro et la durabilité, pour pouvoir effectivement s’inscrire dans le temps.
Contrairement aux deux autres intervenantes, Laurence Barrère a insisté sur le fait que c'est une nouvelle direction, qui a vocation "à travailler de façon transverse avec toutes les organisations du groupe, en matricielle et en apportant sur les trois piliers : environnement-climat, finances-transformation et stratégie".
"Ne pas être focussés sur le climat"
Interrogées sur la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) ainsi que sur les normes européennes d’informations de durabilité dites "ESRS" (European Sustainability Reporting Standards), qui s’appliqueront progressivement à compter de 2024, les interlocuteurs ont avoué être face à une "marche quand même très haute". Les grandes entreprises seront d’ailleurs les premières concernées par le nouveau cadre de reporting européen.
Ainsi, Fabienne Grall a déclaré : "Il faut protéger au maximum l’interne sur tous les débats anxiogènes et travailler sur la double matérialité", qui consiste à identifier les enjeux qui sont significatifs et qui peuvent influencer les décisions des acteurs financiers. Selon elle, "les entreprises ont davantage de réponses qu’elles ne le pensent pour la CSRD et les ESRS". Sur les normes européennes d’informations de durabilité, elle a d’ailleurs indiqué : "ce qui est important, c’est la stratégie, l’impact, le risque, les opportunités, qu’il ne faut pas négliger, et le plan d’action, puis après il y a les reportings".
Dans la continuité des propos de la directrice de Saint-Gobain, Carine de Boissezon a insisté sur une action générale :
Nous essayons de passer d’une vision climat à une vision limite planétaire. Nous utiliserons cette vision un peu plus systémique en parlant pollution, ressources, social, transition, jusqu’à un sujet majeur comme l’énergie. Il faut amener l’ensemble des sujets au même moment et ne pas être focussés sur le climat.
Une stratégie transversale
Chez Kering, la "dynamique proche" prime.
Avec la création de la direction finance durable, toute la société est engagée, bien que Kering le fût déjà sur ces sujets-là. J’ai ainsi demandé à mes équipes d’écrire à la direction de la finance durable au sein de chacune de nos maisons. En fait, nous avons un correspond qui est formé au fil de l’eau par mes équipes sur ces sujets.
- Laurence Barrère, directrice finance durable de Kering.
Les sujets de CSRD et d’ESRS sont ainsi "amenés depuis un an à tous les niveaux des opérations". "Cet exercice de compliance a permis de faire réaliser aux équipes, que nous allions passer plutôt vers un exercice stratégique, pour avoir de vraies discussions sur nos impacts", a-t-elle ajouté.
Finalement, Julien Rivals a souligné que pour ces réglementations CSRD et ESRS, "la première étape est de former et d’impliquer des personnes qui n’étaient pas forcément activités dans le dispositif de reporting". La stratégie transversale est ainsi favorisée par les trois entreprises. "Le reporting sert à vérifier que nos plans d’action sont efficaces", a enfin affirmé Fabienne Grall.