En France, l’acquisition de congés payés implique du travail effectif. Or, selon le droit européen, la maladie ne doit pas avoir d’impact sur les congés payés d’un salarié. La Cour de cassation a appliqué ce principe dans plusieurs décisions rendues le 13 septembre 2023. Ces dernières soulèvent une multitude de questions du côté des entreprises comme des salariés : pour quels jours ? Sur combien de temps ? L’employeur doit-il l’appliquer immédiatement ? Et s’il y a déjà eu un refus par le passé ?
Autant de questions auxquelles Anne-Lise Castell, juriste aux Éditions Tissot, éditeur spécialisé en droit social, a tenu à répondre.
Avant le 13 septembre 2023, application du droit du travail
Avant le 13 septembre, le droit français, qui prévoit qu’un salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur, s’appliquait. Si certaines absences sont assimilées à du travail effectif (congé maternité ou maladie professionnelle), ce n’est pas le cas de la maladie non professionnelle. Celle-ci ne permettiait donc pas d’acquérir des congés payés, sauf dispositions plus favorables.
Prise en compte du droit de l’Union européenne depuis le 13 septembre
La jurisprudence récente de la Cour de cassation a écarté des dispositions du droit français non conformes au droit de l’Union européenne. Celui-ci ne fait aucune distinction entre les travailleurs qui sont en congé maladie et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de la période de référence (en général du 1er juin de chaque année au 31 mai de l'année suivante).
Ainsi, les salariés atteints de maladie (professionnelle ou non), ou victimes d’un accident, ont le droit de réclamer des droits à congé payé en intégrant dans leur calcul la période au cours de laquelle ils n’ont pas pu travailler.
L’indemnité compensatrice de congés payés ne peut être limitée à un an en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Concrètement, si un salarié est arrêté pendant deux ans, il a en principe droit à 10 semaines de vacances à son retour.
Le délai de prescription de l’indemnité de congés payés ne peut commencer à courir que si l’employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer effectivement son droit à congés payés.
Enfin, le salarié qui n’a pas pu prendre ses congés payés parce qu’il est en congé parental en conserve le bénéfice. Les congés acquis à la date du début du congé parental doivent être reportés après la date de reprise du travail.
Impacts pour l’employeur et possible réaction des Pouvoirs publics
Aujourd’hui, un employeur ne peut pas invoquer le code du travail ou l’attente de sa modification pour refuser à un salarié malade l’acquisition de congés payés. Ces nouvelles dispositions concernent en pratique :
- l’intégralité des congés payés, donc y compris la 5e semaine et les congés conventionnels ;
- la période d’acquisition en cours, mais aussi les périodes antérieures (avec une prescription de 3 ans voire plus si l’employeur n’a pas fait ce qu’il faut) ;
- et elles instaurent un report sans limite, si la maladie dure plusieurs années.
Un salarié malade, qui s’est vu refuser, au cours des trois dernières années, l’acquisition de congés payés, peut réitérer sa demande au vu des nouvelles décisions. Et ce même s’il a quitté l’entreprise.
En attendant une éventuelle réaction des Pouvoirs publics, l’employeur doit englober toute la période où le salarié n’a pas pu travailler lorsqu’il calcule ses droits à congés. A défaut, il prend le risque d'être condamné par un conseil des prud'hommes ou une cour d'appel, en cas de contentieux avec l'employé.
Bon à savoir :
Il y a d’autres domaines relatifs aux congés où le droit français n’est pas conforme au droit européen, notamment dans le cas où le salarié tombe malade pendant ses congés payés. Aujourd’hui, bien qu’il n’y ait pas (encore !) de décision sur ce sujet précis, il est conseillé aux salariés dans cette situation de se servir des nouvelles décisions de justice du 13 septembre pour demander un report.