Après plus de 25 années dans l’industrieautomobile, notamment à des postes de direction très opérationnels et membre de Codirs en France et en Allemagne, Vincent Pichon a changé de vie à 50 ans. En effet, il a repris ses études et s’est formé au coaching professionnel. Il est aujourd’hui coach certifié de dirigeants au sein du cabinet Version Originale.
Affiches Parisiennes : Quel a été votre parcours ?
Vincent Pichon : Je suis ingénieur de formation. J'ai fait l'Institut national des sciences appliquées (INSA) de Lyon. J’ai ensuite travaillé plus de 25 ans dans l'industrie automobile, dont plus de dix ans sur des postes de direction très opérationnels. J'ai été directeur des projets et du développement commercial, et également des achats en Allemagne, durant une expatriation de trois ans et demi.
Comment s’est déroulée cette expérience en Allemagne ?
Mon départ en Allemagne s’est fait du jour au lendemain. J’étais depuis cinq ans directeur des projets et du développement commercial pour les clients français chez Magna, et un jour mon N+2 m’annonce : "Nous avons pensé à toi pour reprendre la direction des Achats Europe de Magna Seating, tu as le week-end pour réfléchir, il me faut une réponse lundi. Et le poste est basé en Allemagne…".
Du coup, deux jours compliqués, avec un conseil de famille : ma fille était déjà en études supérieures, mais mon fils était au lycée et ma femme travaillait. Le lundi, je le rappelle et je lui dis : "J’ai bien réfléchi, merci de ta confiance, mais comme tu le sais, je n’ai jamais travaillé dans les achats et je ne parle pas un mot d’allemand". Il m’a répondu : "Ne t’inquiète pas, tu as toute ma confiance". J’ai donc accepté et j’ai ensuite appris l’allemand à vitesse accélérée.
Au-delà des cours d’allemand, vous avez aussi obtenu un coaching de prise de fonction ?
En partant, j’avais fixé une condition : je voulais être coaché. J’ai ainsi découvert le coaching à ce moment-là, et ça a été une véritable révélation. Je me suis alors dit "un jour, je serai coach, ce travail me plaît, je rêverais de faire ce job !". Cet accompagnement m’a beaucoup aidé sur les enjeux de posture et de management et il m’a permis de mieux appréhender les différences culturelles. Cette expérience en Allemagne fut une expérience formidable pour moi et pour toute ma famille…
Mais finalement, vous décidez de rentrer, pourquoi ?
J’aurais pu rester, ou encore accepter un poste aux États-Unis, mais avec ma femme, nous avons décidé de rentrer en France pour les études de nos enfants. J’ai alors activé mon réseau et trouvé un poste de vice-président des projets dans une ETI. C’était un beau “ticket retour” : les bureaux étaient basés dans les beaux quartiers parisiens et le package était très confortable…En revanche le poste ne me convenait pas vraiment : trop "corporate" pour moi…Au bout d’un an et demi, l’entreprise a procédé à une grosse restructuration en remerciant le CEO qui m’avait accordé sa confiance. Et j’en ai alors profité pour négocier mon départ.
C’est à ce moment-là, à 50 ans, que vous reprenez les études et décidez de changer de trajectoire professionnelle, de bifurquer ?
En effet, depuis quelque temps déjà, je réfléchissais à ce que j'aimais faire et àce que je faisais de bien dans mes derniers jobs. Deux choses m’animaient tout particulièrement : accompagner les organisations et les équipes en mettant mes collaborateurs à leur juste place afin qu’ils aient un maximum de confort et d’impact dans leur poste, et les aider à se développer au quotidien dans un souci de performance individuelle et collective.
Fort de cette réflexion et en me souvenant du coach, qui m’avait accompagné lors de mon départ en Allemagne, j’ai alors décidé de me lancer dans cette nouvelle aventure et de devenir coach professionnel.
Je me suis formé à l’Académie du coaching, qui a été cofondée par François Souveine et François Delivré, un ancien polytechnicien, dont j’avais lu le best-seller sur le coaching “Le métier de coach”.
Une fois formé, qu’avez-vous entrepris ?
J'ai créé ma société, Coaching Ambition, pendant que je me formais. Pour commencer, j’ai travaillé en m’associant avec des collègues coachs, que j’ai rencontrés en formation. Je suis rentré dans ce nouveau métier par le coaching d’équipes. En effet, les premières personnes, qui m’ont fait confiance étaient des anciens collègues, qui me connaissaient comme manager pluridisciplinaire et multiculturel. Et j’ai ainsi été sollicité pour accompagner leurs équipes, notamment sur des sujets de communication en utilisant la Process Communication. Je me suis ensuite tourné vers le coaching individuel, et j’ai croisé la route de Version Originale, où je travaille actuellement.
Comment vous êtes-vous retrouvé au sein de ce cabinet ?
J’avais besoin de retrouver un collectif. Notre collaboration est le fruit d’une synchronicité amusante. Je venais pour leur proposer une collaboration au travers d’ateliers pour leur activité d’outplacement. Et ils m’ont proposé de les rejoindre en suivant leur processus de recrutement : participation à un master recrutement et rencontre avec tous les autres coachs du cabinet en cas de succès. J’ai tout de suite apprécié l’esprit d’équipe, le professionnalisme et la variété des offres.
Sur la partie reconversion, comment se passe la reprise de l’école à 50 ans ?
C'est extrêmement stimulant. J’aime apprendre, je suis curieux et passionné. Du coup, cela m'a mis dans une énergie très positive. Se former au coaching en France, c'est long, environ 18 mois, et cher. J’ai pu le faire grâce à Pôle Emploi. Je savais que je ne gagnerais plus jamais les salaires d’avant. C'est une sensation vertigineuse et il y a de gros moments de doute. Heureusement, j’ai la chance d’avoir été soutenu par mon épouse et ma famille, qui m’ont fait confiance.
Vous avez rejoint Version Originale en 2021, pouvez-vous présenter ce cabinet ?
C’est un cabinet, qui existe depuis plus de 20 ans. Nous sommes 15 coachs salariés avec un point commun : une très bonne connaissance de l'entreprise. Nous sommes complémentaires et polyvalents, puisque nous sommes tous issus d’écoles différentes.
Parmi ces 15 coachs, nous avons quatre anciens DRH et d'autres, comme moi, qui sont d’anciens directeurs opérationnels. Version Originale est un vrai cabinet, nous ne sommes pas un réseau de coachs. D’ailleurs VO est le premier cabinet de coaching à être devenu Entreprise à Mission, il y a deux ans. Cela consiste à définir sa raison d'être et à l'inscrire dans les statuts d'entreprise. D’ailleurs, notre rapport de mission a récemment été publié sur notre site.
Notre raison d’être est : "Permettre à chacun de trouver durablement sa juste place en étant source d’impact positif pour soi et pour les organisations. Par nos accompagnements, nous réconcilions performance, humanité et responsabilité sociale". Elle est également notre boussole stratégique, très modélisante sur notre manière d’agir auprès de nos clients comme vis-à-vis de l’équipe.
Quels sont les différents métiers exercés au sein de votre cabinet ?
Au sein du cabinet, nous pratiquons tous plusieurs métiers. Il y a le coaching individuel de dirigeants et de managers, le coaching d'équipes, avec un accompagnement de Codir et Comex sur des sujets stratégiques et sur leurs feuilles de route, team building. Aussi, nous faisons du coaching de médiation et des formations managériales en posture coach. Nous proposons également du coaching d’organisation, cela consiste à une réflexion sur le sens à donner à des transformations et à la stratégie à mettre en place pour les mener dans les meilleures conditions. Cela consiste également à accompagner des réflexions autour des structures des organisations, des relations interpersonnelles et des postures managériales essentielles à ces transformations. Enfin, nous avons l’outplacementde dirigeants et cadres supérieurs.
Nous avons la chance de couvrir tous ces métiers au quotidien, ce qui est extrêmement complémentaire et vraiment passionnant en tant que coach !
Qu’est-ce que l’outplacement ?
L’outplacement consiste à accompagner des dirigeants et des cadres dans leur mobilité externe. Au moment où ils quittent leur entreprise, nous les accompagnons pour redéfinir leur projet, construire leur "personal branding" et remettre à jour leurs outils (CV, LinkedIn, plaquette réseau…). Nous les aidons à garder le moral, à gérer au mieux leur stress dans ces moments qui ne sont pas toujours faciles et à retrouver leur confiance. Nous sommes là pour qu’ils gardent le bon cap et qu’ils se repositionnent au plus vite.
Durant leur parcours chez nous, ils ont un coach référent, mais tous les autres sont à leur disposition. Et nous proposons de nombreux ateliers (réseau, entretiens, pitch, storytelling…) où ils échangent et progressent entre eux avec l’éclairage des différents coachs.
Nous avons deux programmes spécifiques : Exécutif Odyssey pour les membres de Codir, DG et DGA, et Cap Avenir pour les cadres supérieurs, mais qui ne sont pas encore arrivés sur des postes de direction.
Nous sommes fiers, sur ce métier d’outplacement individuel, d’être référencés dans la catégorie incontournable par le magazine Décideurs. Nous sommes les seuls de ce classement à ne pas être des "pure players" de l’outplacement. En effet, ce volet représente environ 40 % de notre activité. Le reste du temps, nous le passons en entreprise avec nos autres métiers, ce qui nous permet d’être en permanence connectés au marché.
Combien de personnes par an, accompagnez-vous en outplacement ?
Chez Version Originale, nous accompagnons une centaine de personnes par an. Il faut savoir qu’en France, pour un cadre supérieur, il faut en moyenne dix mois pour retrouver un poste en ce moment. Avec un cabinet d’outplacement, il est démontré dans une étude du Syntec, que la durée est réduite à sept, huit mois. C’est donc un accélérateur et une véritable chance, et c’est pour cela que les DRH prescrivent des outplacements aux gens dont ils se séparent pour les aider à se repositionner au plus vite.
Les avocats en droit social, qui accompagnent l’entreprise ou le salarié lors de la transaction de sortie, le proposent de plus en plus à leurs clients respectifs.
Beaucoup souhaitent-ils se reconvertir ?
Environ 10 % de nos outplacés souhaitent se reconvertir. Nous avons donc cocréé, avec ma collègue Francine Réchou, le club Bifurcation professionnelle au sein de Version Original. Ce club est destiné à accompagner des gens porteurs de projets.
Nous sollicitons d’anciens pilotes ou d’anciens coachés de notre réseau à témoigner sur leur propre reconversion. A la lumière de ces témoignages, nous invitons ensuite nos porteurs de projets alternatifs à nous dire comment cela résonne avec leurs propres sujets et à partager où ils en sont : progrès, doutes, peurs, échecs…
Aujourd’hui, ce club n’est ouvert qu’à nos pilotes et alumnis mais nous envisageons de l’ouvrir prochainement à l’extérieur. En effet, après la période compliquée que nous avons traversée avec la Covid, de nombreuses personnes souhaitent redonner plus de sens à leur activité. S’ils ont envie de franchir le pas de la reconversion, il est bon de savoir qu’il existe des cabinets qui peuvent les accompagner dans leur nouveau choix de bifurcation.
De quelles entreprises viennent les personnes que vous accompagnez en outplacement, et vos clients en général ?
Nous avons tout type de secteurs d’activité et de clients. Nous travaillons pour des multinationales, mais aussi des ETI ou des start-ups. Comme je viens du secteur automobile, j’ai naturellement de nombreux clients dans ce secteur. J’ai des collègues qui viennent de l'industrie pharmaceutique, de l’agro-alimentaire, du luxe et qui ont donc un portefeuille orienté en fonction de leurs connexions respectives. C’est un métier de réseau et de confiance…
L’une de nos fiertés est d’avoir, durant quatre ans, accompagné les officiers généraux de tous les corps d'armées dans leur reconversion vers la vie civile professionnelle : du colonel au général quatre étoiles, ils avaient en moyenne 58 ans. Nos échanges avec ces cadres d’élite ont été passionnants, notamment sur la dimension stratégique et le leadership. Le monde de l’entreprise a beaucoup à apprendre des militaires !
Quelles autres activités proposent Version Originale sur ce type d’accompagnements ?
En lien avec notre raison d’être, nous organisons toutes les six semaines des Matinales Engagées, où nous invitons des personnes très inspirantes. Récemment, Clarisse Cremer, qui a gagné le Vendée Globe féminin est venue nous parler de son aventure formidable. Nos Matinales engagées sont ouvertes à nos pilotes et alumnis mais également à nos clients DRH/RH ou DG.
Le cabinet Version Originale a été racheté dernièrement. Pourquoi ?
Il y a deux ans, nous avons intégré le groupe Lorenz and Hamilton, qui œuvre 100 % dans l’Humain, c’est-à-dire l’outplacement, le coaching, le recrutement, la chasse de tête, et le management de transition. Ce rachat a élargi notre écosystème et nous a permis de mettre en place des "speed networking" avec deschasseurs de tête, ainsi nos pilotes rencontrent les chasseurs et consultants du groupe pour tester leur pitch et profiter d’un retour direct. Un autre aspect intéressant de ce rachat est l’intégration d’un cabinet Lyonnais (Kenséo). Cette double présence Paris-Lyon nous permet d’être plus attractifs pour accompagner des Plans de Sauvegarde de l’Emploi (PSE).
Finalement vous faites profiter vos clients de votre passé de dirigeant et de votre propre expérience de reconversion. Quel bilan faites-vous de cette transition et quels conseils pourriez-vous donner à ceux qui envisagent de se lancer ?
Le bilan est très positif. J’ai retrouvé du sens à mon activité, je me sens très utile et à ma juste place. Nous avons la chance dans notre métier de pouvoir impacter la vie de nos clients en les aidant à réussir au mieux dans leur poste ou dans leur transition.
Je me nourris et je progresse tous les jours sur des sujets qui me passionnent, autour de l’Humain. J’arrive à vivre convenablement de mon nouveau métier et j’ai retrouvé un collectif très inspirant. Il est difficile de prodiguer des conseils, puisque chacun a sa propre histoire. Je dirais simplement : faites-vous confiance, écoutez votre voix intérieure, formez-vous si besoin et sachez bien vous entourer.