La présidente de la commission, Sophie Primas, et ses collègues sénateurs ont pu constater que la loi Climat et résilience de 2021 fait toujours débat, notamment son volet “sobriété foncière”. La préservation de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique, est bien entendu salué par tous intervenants. En revanche sa forme et son application posent problème.
Le sens de la démarche
La démarche “Zéro artificialisation nette” est un objectif fixé pour 2050. Les territoires ruraux, communes, départements et régions doivent réduire de 50 % le rythme d’artificialisation des sols et de consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici 2030, par rapport à la consommation foncière mesurée entre 2011 et 2020. Schématiquement, cette démarche consiste à réduire au maximum l'extension urbaine, en limitant les constructions sur des espaces naturels ou agricoles et en compensant cette urbanisation par une plus grande place accordée à la nature dans la ville.
Parmi les acteurs de terrain présent au Sénat, Alain Chrétien, maire de Vesoul, représentant l’Association des maires de France (AMF), Sébastien Gouttebel, président de l’Association des maires ruraux du Puy-de-Dôme, représentant l’Association des maires ruraux de France (AMRF), Sébastien Miossec, président délégué d’Intercommunalités de France (AdCF), et Annette Laigneau, vice-présidente de Toulouse Métropole, en charge de l’urbanisme et des projets urbains, témoignait pour France Urbaine, ont pu largement développer leurs arguments.
Des critiques et un dialogue nécessaire
Pour ces intervenants, le ZAN est une mesure nécessaire, mais son application, revue par de nombreux décrets, est un « casse-tête pour les élus ». Un an après le vote de la loi Climat et résilience, il s’avère que mener le combat pour la sauvegarde des sols est ardu. D’où un « temps d’échange important, où le travail doit être collectif », rappelait Jean-François Husson, rapporteur de la commission des finances.
La table ronde visait ainsi à faire le point sur le déploiement et les objectifs du ZAN, dans les documents d'urbanisme des communes et des intercommunalités. Deux grands thèmes ont été abordés : la mise en œuvre de ce “Zéro artificialisation nette” et son financement complexe.
Un calendrier serré
« Les retours terrain dont nous disposons marquent l’inquiétude. Il y a une anticipation des services de l’État, avec un tableau qui nous contraint à marche forcée, avec des délais fous. Les communes sont inquiètes. Elles ont surtout besoin de temps. De plus, dans des petites communes, certains collègues ne connaissent pas le sujet, ou ne le maîtrisent pas » a détaillé Sébastien Gouttebel. Comme le représentant d’AMRF, tous les intervenants ont fait part de leurs inquiétudes, et donné, quasi unanimement, les mêmes arguments pour expliquer les difficultés d’application du ZAN.
Pour Alain Chrétien, « Comme Christophe Béchu – le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, NDLR –, il est essentiel que le Gouvernement exprime sa volonté de revoir complètement la copie. Le ZAN est-il un objectif ou une contrainte ? Les décrets parus noud ont plongé dans le flou juridique total. L’AMF n’apprécie pas la tournure des événements »,
Le manque de moyens
La liste des problèmes concernant l’application de la démarche ZAN n’a fait que s’allonger depuis un an, avec en son centre, le manque de moyens. Le représentant des maires de France a détaillé cette problématique. « 30% des collectivités locales ne sont pas dotées de documents d’urbanisme. Le débat est totalement étranger à ces maires qui ne peuvent pas accorder de permis de construire. Avant de vouloir imposer le ZAN, comme une mesure dogmatique, technocratique, commençons par faire comprendre aux maires qu’ils sont dépositaires du patrimoine foncier national. Mais n’obligeons pas nos collègues à rentrer dans une démarche qu’ils n’acceptent pas. » « On se heurte à une position ferme et féroce de l’État », complète Annette Laigneau.
« Le sujet du Zan est important. C’est d’abord un sujet politique, qui questionne les projets des territoires, à chaque échelon de décision. Il remet en question la volonté de développement de nos territoires. C’est un choc, une remise en question profonde de nos modèles. Nous n’avons pas eu assez de temps pour voir comment on peut intégrer ce modèle. On doit mobiliser tous les acteurs, publics comme privés » souligne Sébastien Miossec.
La question des moyens, quadrature du cercle en l’état actuel, doit être résolue par la mise en place de solutions de financement. « Il faut noter que des efforts étaient déjà réalisés par un grand nombre de collègues pour atteindre l’objectif de sobriété foncière, avant même l’apparition du ZAN », précise Alain Chrétien.
Le rapporteur Jean-Baptiste Blanc liste, par ailleurs, les inquiétudes des élus sur l’insuffisance des outils pour le recyclage, la renaturation, la rénovation et l’inadéquation de la fiscalité en la matière.
Fonds friche, une réponse à copier
Dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement a déployé un fonds pour financer des opérations de recyclage des friches et la transformation de foncier déjà artificialisé.Ce “fonds friches” a été cité à plusieurs reprises. « Chez France Urbaine, nous n’avons pas de baguette magique pour financer le ZAN. Mais il est évident que les dispositifs fiscaux pour freiner la spéculation foncière sont importants. Renforcer le fonds friche est nécessaire », précise Annette Laigneau. De son côté, Sébastien Miossec présente trois pistes : le besoin de préserver les enveloppes pour aider les projets et les actions qui contribuent à la reconquête des friches ; une réflexion profonde sur la chaîne de valeurs du foncier et du bâtiment ; un modèle de fiscalité locale à repenser. Ce travail de fond nécessite naturellement du temps que l’application du ZAN ne donne pas...
Trouver des solutions
Pour les maires de France, Alain Chrétien a rappelé, par ailleurs, que « la démarche consistant à créer un outil, puis se demander comment on le finance, est surprenante. Les choses n’ont pas été faites dans le bon ordre. ». Alain Chrétien a aussi insisté sur le fonctionnement du fonds friche : « C’est un succès. Car les dépenses fiscales sont différentes, ici c’est de l’argent qui vient compléter les déficits d’opération. Pourquoi, dès lors, ne pas créer un fonds dédié à la ruralité ? »
Le mot de la fin est revenu à Sébastien Gouttebel, de l’Association des maires ruraux de France. « Le ZAN a un objectif de sobriété foncière en deux étapes, avec les dates de 2030 et de 2050 comme butoir. Mais il y a trop d’anticipation sur 20 ans. Il faut savoir raison garder. Pour vraiment construire quelque chose ».